Affluent principal du fleuve Sénégal, la Falémé traverse le Sénégal, la Guinée et le Mali. Elle est plus que jamais menacée de disparition. Le joyau naturel subit des agressions multiples et multiformes, que rien ne semble pouvoir freiner. Les riverains décident d’agir. Leur première action a failli virer au drame.
De Kayes à Kedougou, en passant par Kéniéba, la Falémé longue de 650 km, arbore les stigmates d’une mort silencieuse provoquée par l’absence d’une politique de surveillance appropriée face à des entreprises d’extraction sans conscience.
Coupé en plusieurs petits lacs par des tas de gravats accumulés par les dragues qui pullulent dans son lit, son parcours est à l’arrêt total. Le visiteur peut traverser à pied pour se rendre de l’autre côté de la rive. Sur la partie de l’affluent qui relie la région de Kédougou, qui donne sur le Mali, le niveau de détérioration de la qualité de l’eau est préoccupant. Cette eau de couleur jaunâtre, servait de boisson aux riverains. Ce liquide précieux a disparu sans que ses agresseurs s’en émeuvent.
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Les cas de maladies dermatologiques sont de plus en plus fréquents dans cette zone. L’écosystème des espèces animales naguère riche et attractif est blessé à mort. « Il n’y a plus de poisson dans cette eau. L’effet du dragage et des produits chimiques qui y sont déversés tuent les espèces », témoigne Sina Conta pêcheur malien à Bérola.
Il ne cache pas son amertume après une matinée de pêche infructueuse : « j’ai parcouru environ 2 kimètres, mais regardez je n’ai pas plus de dix poissons », s’indigne t-il, visiblement nostalgique d’une époque pas si lointaine (il y a près de dix ans), où il faisait le plein de sa pirogue en moins de deux heures.
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La pratique de l’orpaillage via un dragage sauvage des cours d’eau, le rejet pernicieux des eaux usées par l’orpaillage semi-mécanisé dans les rivières, les déversions de produits chimiques et toxiques, sont autant de comportements et d’écarts qui compromettent la qualité de l’eau, tuent les poissons et les autres espèces aquatiques.
« Sauvons la Falémé » prend le relai des gouvernements impuissants
C’est le désastre écologique tout au long du fleuve. La navigation est impossible par endroits. L’eau a tout simplement disparu. La Falémé est cernée. On aperçoit un foisonnement d’orpailleurs outillés de petits dispositifs individuels et une activité intense de dragage.
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Ce dragage est fait depuis des pirogues comportant une bruyante machinerie à même d’aspirer la boue sous l’eau pour dénicher l’or. Face à cette incapacité des gouvernements de protéger la Falémé, les populations riveraines et la diaspora prennent les choses en main, à travers une association dénommée « Sauvons la Falémé ».
Comment le pire a été évité
C’est ainsi que l’idée de défendre et de protéger les eaux de la Faléméa a vu le jour. Dans la journée du 22 mars passé, les choses ont pris une autre allure. En effet, les membres de cette association qui étaient partis pour enlever les machines dans l’eau ont échappé aux tirs des dragueurs maliens. Même si aucune perte en vie humaine n’a été signalée les dégâts ont été énormes.
Ils ont dénombré 12 blessés par balles lors de l’incident. Aussitôt alertées, les Forces de Défense et de Sécurité Sénégalaises sont venues les secourir. Selon Seydou Danfakha, un témoin, habitant de Sonkounkou, joint au téléphone par africapetromine.com, l’un des blessés par balle a été transféré à Kayes, puisque son cas été jugé « grave ». Il réaffirme leur engagement à protéger les eaux de la Falémé au prix de leurs vies.
A la fin du mois de ramadan, l’association entreprendra des actions « contre ses bandits ». Les pays concernés, à savoir, la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, sont appelés à prendre toutes leurs responsabilités face à « ce carnage environnemental ».
Fili Cissokho (Correspondant à Kédougou)