Jusqu’en 1980, l’existence de tourbe était complètement ignorée au Sénégal, et c’est seulement au début de l’année 1981 qu’on a commencé à parler du gisement de tourbe de la zone des Niayes en tant que matière première énergétique.
C’est par un pur hasard que la tourbe des Niayes a pu être découverte. En Août 1979, des émanations de gaz naturel et des phénomènes de feu continu étaient signalés par la population de la localité de Déni Birame Ndao.
En effet, tous les bas-fonds des Niayes où a été identifiée la tourbe étaient inondés jusqu’à une période relativement récente (ce qui explique que la tourbe n’a jamais, jusqu’à présent, figuré sur les cartes). A la suite de la sécheresse sévissant en zone sahélienne (notamment la sécheresse des années 70) on observe depuis plusieurs années une baisse progressive du niveau général de la nappe superficielle.
Cette baisse généralisée du niveau de la nappe phréatique assèche successivement toutes les tourbières des Niayes et entraine la combustion des dépôts de tourbes.
Dépêchés sur les lieux, les ingénieurs géologues de la Direction des Mines et de la Géologie (DMG) pouvaient constater, sur une superficie de plus de 5 hectares, des dégagements abondants de fumés provenant de la combustion superficielle de dépôts de tourbes en cours d’assèchement.
L’intérêt de définir et de structurer un projet spécifique de recherche de tourbes au Sénégal s’est ensuite rapidement confirmé au début de l’année 1980, avec la campagne de recherche d’argiles de briqueterie dans la région de Rao (cf. rapport DMG, g. Pezeril et Q. Inglebert, décembre 1979) au cours de laquelle de nombreux indices de tourbes étaient identifiés.
Peu de temps après, une seconde mission de la DMG, dans la partie centrale du gisement des Niayes, permettait de mettre en évidence les indices de Mboro et de Fass boye, où de fortes acidités (Ph 3 à 4) de la nappe phréatique avaient été enregistrées par les hydrogéologues de l’ORSTOM (J.Y. GAC, 1980).
Ainsi est né le projet tourbes avec la présentation, le 22 mai 1980, par la DMG, d’un programme de recherche de tourbe portant sur l’ensemble du territoire.
La Géologie des tourbes
Les tourbières de la région des Niayes diffèrent à bien des égards des gisements de tourbes dans l’hémisphère Nord mais elles remplissent principalement les critères les plus importants des tourbières géologiques. La végétation des Niayes du Sénégal se rapporte au type guinéen, particulièrement luxuriante, et comprend notamment des palmeraies et eloeisguineensis.
Cette végétation, et les sols hydromorphes riches en humus qui l’accompagnent, sont en étroite relation avec les eaux de la nappe superficielle. L’existence d’une nappe d’eau douce stagnante dans les bas-fonds des dépressions des Niayes est un contexte favorable au dépôt et à l’accumulation de débris organiques qui vont subir une décomposition lente en milieu acide et réducteur dans l’eau ou le sol humide.
La tourbe des Niayes est en moyenne bien humifiée mais contient beaucoup de sable. Cette humification serait liée autant au caractère ligneux du végétal d’origine qu’au degré d’évolutionbiochimique très avancé. La tourbe des Niayes se rapproche ainsi plus d’un lignite.
Les Niayes forment un réseau très dense qui semble avoir une origine mixte : dépressions interdunaires et ancien réseau hydrographique. Les conditions de gisement des tourbières des Niayes dépendent donc à la fois de la forme de la dépression et du réseau hydrographique qui a pu remanier ou éroder une partie des sédiments.
Les dépôts tourbeux des dépressions inter-dunaires
La puissance de la tourbe varie de 1 à 10m selon une configuration en chenal fréquente Orientés suivant la direction des dunes Ogoliennes (NE-SW), les dépôts occupant les dépressions interdunaires correspondent à des émergences de la nappe phréatique dans les inter-dunes les plus profondes, compte-tenu des conditions paléogéographiques et climatiques régionales ayant entrainé une accumulation importante de débris végétaux en milieu lacustre, chaque dépression inter-dunaire est, à priori, une tourbière. Au centre de ces dépressions affleure la tourbe qu’entourent des sables gris humifères. Les tourbières des dépressions inter-dunaires présentant toujours le même schéma d’organisation : au centre, dépourvu de végétaux, la tourbe affleure. Les bordures sont constituées de sables gris humifères couverts d’une végétation luxuriante.
Les dépôts tourbeux des anciens réseaux hydrographiques
Ils correspondent aux grandes Niayes de la région centrale et méridionale qui recoupent perpendiculairement l’orientation des dunes rouges Ogoliennes. Les tourbes se localisent ici, soit dans la partie amont, soit dans les méandres ou dans les petits diverticules qui bordent le chenal alluvial de la Niaye principale.
Un bon exemple nous est fourni par la Niaye de Mboro. C’est une grande dépression allongée NW-SE, recoupant perpendiculairement les alignements de dunes rouges. Les anciens méandres sont bien visibles sur photos aériennes et plusieurs boucles se succèdent.
La partie avale a été élargie par la transgression nouackchotienne et remplie par du sable gris blanc. La partie amont s’est colmatée par des apports de ruissellement. La Niaye de Mboro a été isolée de l’océan au cours des deux derniers millénaires par l’avancée des dunes littorales. Dans le tracé de cet ancien chenal, on trouve du sable humifère ou du sable argileux plus ou moins tourbeux.
Des sondages mécaniques réalisés à cet endroit révèlent en profondeur de la tourbe sableuse remaniée. On peut donc considérer ces paléo-vallées comme étant le lieu de précipitation de dépôts de tourbes. Elles auraient été remises en eau par des précipitations relativement bien établit au cours de la phase humide de l’Holocène ancien.
Dans un deuxième temps, que l’on peut attribuer à la période sèche précédent le nouakchotien, une érosion fluviatile comportant de très fortes crues a remanié et érodé en partie cette matière organique en épargnant les dépôts de tourbes protégés dans les diverticules situés de part et d’autre du chenal alluvial.
Au nouakchotien, en outre, les anciens réseaux hydrographiques ont pu être envahis dans leur partie avale, par la remontée de la mer, tandis que les tourbes d’eau douce pouvaient toujours continuer à s’accumuler en amont et dans les dépressions bordant le chenal.
Néanmoins, à cause des conditions climatiques particulières de la zone (influence des alizés, humidité de l’air, brumes, stabilité des températures, à l’abri de l’effet de l’harmattan) et de la proximité, à faible profondeur, d’une nappe douce, on retrouve toujours dans les Niayes des éléments reliques, vestiges d’une végétation de type guinéen, qu’on ne retrouve normalement pas à ces latitudes. Les palmiers à huiles qui bordent les dépressions en sont l’exemple le plus visible.
Analyse très pertinente 👍
Suis fière de toi mon très cher focus le meilleur reste à venir on love 😚😘