Lamine Diack Diouf, PDG de la société Mansa Gold Corporation a pour ambition de « bousculer le capital étranger ». Il est le propriétaire de la mine d’or de Kawsara et de Konkoutou Gold Opération. L’ingénieur géologue se définit comme un challenger des multinationales, capable, dans l’avenir, de rendre l’or « plus éclatant » aux yeux des sénégalais. Les réserves de Konkoutou sont estimées à 8 tonnes. Le développement en est à sa phase finale et la production attendue au premier trimestre de 2024. Entre raffinage, transformation de l’or, vente locale, création d’un hub, Lamine Diack Diouf décline les ambitions de sa société et dresse le portrait d’un secteur privé audacieux, soutenu par une administration au service des nationaux. Ce qui explique son engagement politique. Entretien…
Africa Petromine (APM) : Qui êtes-vous pour prétendre bousculer les investissements étrangers sur le secteur aurifère ?
Lamine Diack Diouf (LDD) : Nous sommes un groupe de sociétés qui participent au développement économique du Sénégal depuis des années. Nous n’avons pas pu réussir ce pari pour des raisons évidentes mais le résultat d’un bon management, c’est de réussir de grandes choses avec peu de moyens. Aujourd’hui, il nous faut faire preuve d’imagination, d’intelligence et de volonté pour essayer de bousculer le capital étranger.
APM : Est-ce que c’était facile pour vous, en tant que sénégalais, d’avoir la confiance des autorités et d’obtenir un permis de recherche ?
LDD : Ce n’était pas difficile parce que l’Etat avait déjà mis en place un programme qui permettait de donner des permis à des sociétés minières étrangères et des sociétés minières Sénégalaises. J’ai été l’un des premiers ingénieurs géologues pétroliers du Sénégal et après avoir travaillé pendant 15 ans dans le pétrole notamment à Petrosen, Elf, Tullow Oil, j’ai voulu promouvoir le secteur minier.
Donc j’ai été le premier sénégalais à s’intéresser au secteur minier et je me suis battu à l’époque pour que la boutonnière de Kédougou et tout le territoire minier que le Sénégal avait donné au BRGM, lui soit retiré pour créer plusieurs blocs qu’il donne à plusieurs sociétés minières pour maximiser l’investissement.
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Et comme il y a désormais plusieurs blocs, l’Etat a compris que nous sommes des acteurs et notre expertise et notre engagement ne souffrent d’aucun doute. C’est pour cela que l’Etat nous a donné un permis. Nous nous sommes battus dans l’optique de créer une véritable société minière, de créer une mine, mais aussi avec l’optique de contrôler et de maitriser les ressources minières.
APM : Vous avez découvert 8 tonnes d’or exploitables. Comment comptez-vous financer le développement et l’exploitation ?
LDD : Nous ne pouvons pas bénéficier des financements des banques parce que les banques sénégalaises ne financent pas les mines et notre objectif c’est de ne pas laisser les ressources naturelles au capital étranger. Nous sommes réfractaires au capital étranger et donc il fallait trouver d’autres moyens. C’est ce que je disais au début : « un bon management, c’est de faire de grandes choses avec de petits moyens ».
C’est comme ça que je me suis battu pour créer 4 sociétés de forage. Dans la recherche minière, le forage est la partie la plus importante. Pour preuve, si vous voulez trouver une mine, il faut forer à peu près 50 000 mètres pour un coût global d’environ 5 millions de dollars (3 milliards de FCFA). Ce qui est sûr c’est que vous n’aurez jamais un prêt d’un tel montant pour ça et donc il faut trouver des moyens intermédiaires.
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C’est la raison pour laquelle j’ai acheté des appareils de forage et donc j’ai éliminé le financement des forages et la conséquence c’est que je peux forer des mines sans avoir à louer des appareils de forage et quand j’ai fini de forer je peux les mettre en location. Donc j’ai créé une société de forage sénégalaise qui peut offrir ses services des sociétés minières internationales et avec ces revenus je peux financer mes opérations minières. C’est comme ça que j’ai trouvé le moyen de ne pas aller auprès des banques et quand s’était nécessaire je n’ai pas dépassé 500 millions de FCFA et j’ai ensuite vendu mes biens pour une valeur de 500 millions et avec 1 milliards j’ai acheté mes appareils de forage mais c’est avec les micros finances que j’ai réussi à faire ce montage.
APM : Quand est-ce que vous allez démarrer la production ?
LDD : Nous avons le permis d’exploitation et nous avons déjà fait l’étude de sol. Vous savez nous sommes en train de construire. L’unité de traitement c’est un ensemble d’équipements qui pèsent très lourds. Le broyeur pèse 30 tonnes. Donc avant de poser le broyeur, il faut faire l’étude de sol pour voir si le sol peut supporter ce poids-là. C’est déjà fait avec une société sénégalaise avec de bons résultats.
Maintenant nous sommes en train de faire le plan de l’usine et après ça nous allons faire la plateforme en béton. Nous allons creuser à des profondeurs étudiées, le remplir de bétons, de fer, de ciment pour créer la plateforme pour accueillir les équipements au cas ou il y a des vibrations, que la plateforme puisse les supporter. J’ai déjà acheté l’usine qui coûte environ 2 milliards de FCFA. Dès que cette unité de traitement sera installée, nous allons commencer à exploiter dans les 6 mois à venir (début 2024).
APM : L’or que vous allez exploiter restera t-il au Sénégal ? Comment vous imaginez les transactions ?
LDD : Nous ferons en sorte que l’or reste au Sénégal en finançant les autres secteurs miniers comme le phosphate, le zircon, le gaz entre autres. Nous pouvons construire des turbines à gaz, des raffineries, investir dans le transport. Donc il y a des niches d’investissements qui sont là mais le problème c’est que le marché national à lui seul ne peut pas absorber tout cet or-là. Donc il faut vendre aussi à d’autres acheteurs mais dans un premier temps nous verrons ce que nous pouvons mettre en valeur ici, à travers une raffinerie d’or et une bourse de l’or à Dakar.
APM : Vous parlez de gros investissements…
LDD : Vous savez que Dubaï a un souk de l’or alors qu’il ne produit pas un seul gramme d’or. Donc nous allons créer un souk à Dakar en construisant un grand magasin qui ne vend que de l’or et de cette manière l’or restera au Sénégal et les bijoutiers aussi pourront acheter et revendre notre or et le reste nous seront obligés de le revendre à l’étranger.
APM : Le contexte politique actuel au Sénégal ne vous fait-il pas peur pour votre investissement et l’exploitation de la mine ?
LDD: Vous savez des risques il faut les prendre. Dans la vie qui ne risque rien n’a rien. Je suis un géologue, mais je suis aussi un homme d’affaire et je veux que mon pays avance. Je suis un anti impérialiste comme j’ai l’habitude de le dire et la meilleure manière de combattre l’anti impérialisme, ce n’est pas la rhétorique politique verbale mais le militantisme économique. Il faut s’implanter et s’intégrer dans l’économie pour gagner des parts de marché aussi bien nationaux qu’internationaux parce que ce n’est que de cette manière que nous pourront exister.
En tant que sénégalais, je prie pour qu’on dépasse cette situation pour aller vers le progrès et construire le Sénégal pour nos enfants. C’est la raison pour laquelle j’ai créé un mouvement citoyen universel pour éveiller la conscience des citoyens et les intéresser à la chose publique. Nous ne devons pas laisser la gestion du pays aux politiciens parce que tous les politiciens ne sont pas imbus du sens des responsabilités. Il y a les lobbys affairo-politiques qui sont là pour des intérêts personnels et de groupes.
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C’est cette dynamique qu’il faut casser et faire en sorte que l’Etat travaille pour l’intérêt des populations. Et pour ça il faut que les citoyens s’impliquent. C’est pour cela que nous avons créé le mouvement universel, pour avoir un corps électoral militant citoyen qui pourra voter pour des causes citoyennes et faire en sorte que le pays soit mieux géré.
APM : Des affaires politico-judiciaires ont été à l’origine de beaucoup de dommages causés, notamment, à des investisseurs sénégalais et vous n’avez pas de craintes pour votre projet ?
LDD : Pour les investissements, nous avons tous vu ce qui s’est passé. Des magasins sont pillés, des stations vandalisées, des commerces et même des banques attaqués. La majorité est constituée d’investissements de citoyens sénégalais, hélas. Si maintenant pour des problèmes politiques nos investissements sont visés, alors le combat devrait également s’orienter vers ces pilleurs qui ont la même responsabilité que ceux qui détournent les deniers publics.
Réalisé par
Yanda Sow
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