Saint-Louis- : Regard croisé LEGS Africa LSD sur les impacts de GTA sur la pêche

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L’exploitation du gaz naturel dans le cadre du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) transforme profondément les dynamiques économiques et sociales. Toutefois l’absence d’évidence pour créer le lien de cause à effet a toujours été le maillon manquant des organisations de la société civile et des communautés pour demander des mesures palliatives.  Deux études, l’une menée par Dr Abdou Guéye, expert environnementaliste pour LEGS Africa, et l’autre par Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger (UGB) et président de la coalition « Publiez ce que vous payez » Sénégal, dressent un tableau contrasté des réalités vécues par les pêcheurs de cette région.

Les travaux réalisés par ces chercheurs mettent en lumière certaines évidences qui permettent de créer le lien entre la mort programmée de la pèche révélant ainsi des pressions croissantes sur un secteur vital et des perspectives qui suscitent autant d’inquiétudes que d’espoirs.

Les impacts économiques se traduisent par une baisse drastique des revenus pour une majorité de pêcheurs. Selon Papa Fara Diallo, 69 % des pêcheurs interrogés déclarent avoir vu leurs revenus diminuer de manière significative depuis le démarrage des activités gazières. Dr Abdou Guéye complète cette analyse en soulignant que pour certains acteurs, la productivité a chuté de plus de 50 %. La réduction des zones de pêche, notamment à proximité de Jatara, prive les pêcheurs artisanaux d’accès à des sites historiquement poissonneux. En raison des périmètres de sécurité instaurés autour des installations gazières, les pêcheurs doivent désormais s’éloigner davantage des côtes, ce qui augmente leurs coûts de production tout en exposant leurs embarcations à davantage de risques.

Cette crise économique se double d’une transformation sociale marquée. La pêche artisanale, véritable pilier identitaire à Saint-Louis, est en déclin. Dr Abdou Guéye note que l’émigration clandestine connaît une recrudescence, en particulier parmi les jeunes pêcheurs qui, déçus par les promesses non tenues du projet GTA, tentent de trouver des opportunités ailleurs. Papa Fara Diallo souligne par ailleurs un désœuvrement croissant au sein des communautés de pêcheurs, où le sentiment d’injustice est palpable. Ce climat de frustration est alimenté par une communication insuffisante de la part des autorités et des entreprises exploitantes, et par l’absence de mesures de compensation jugées adéquates.

Les promesses économiques du projet GTA font également l’objet de perceptions divergentes. Dr Abdou Guéye se montre sceptique quant aux retombées locales, indiquant que les investissements en Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), qui représentent moins de 2 % des bénéfices projetés par le consortium gazier, sont largement insuffisants. À l’inverse, Papa Fara Diallo identifie une minorité de pêcheurs optimistes, qui perçoivent dans le projet une opportunité de diversification économique, à condition que des mécanismes d’accompagnement concrets soient instaurés.

Ces tensions appellent à des approches différentes pour une coexistence plus harmonieuse. Dr Abdou Guéye prône une régulation stricte des activités gazières afin de mieux protéger les zones de pêche restantes, tout en appelant à une refonte des cadres légaux pour assurer une gouvernance plus équitable. Papa Fara Diallo, quant à lui, met l’accent sur l’adaptation des communautés locales, notamment en promouvant des activités génératrices de revenus alternatives et en renforçant le rôle des Comités Locaux de Pêche Artisanale (CLPA) dans la gestion des conflits.

Les chiffres produits par les deux études sont édifiants. À Saint-Louis, la baisse des captures de poissons, combinée à l’augmentation des coûts d’exploitation, a entraîné une réduction des revenus à des niveaux critiques. Les recettes globales de la pêche artisanale, autrefois estimées à plus de 15 milliards de FCFA par an, sont désormais en chute libre. En parallèle, 71 % des pêcheurs interrogés par LEGS Africa se disent insatisfaits de leurs conditions de vie actuelles, alors qu’ils étaient majoritairement satisfaits avant l’arrivée des installations gazières.

Alors que le projet GTA progresse, la question centrale reste posée : comment concilier l’exploitation des ressources gazières avec la préservation d’un secteur artisanal fondamental comme la pêche ? La réponse à cette interrogation déterminera non seulement l’avenir économique de Saint-Louis, mais aussi sa stabilité sociale et culturelle.

Yanda Sow

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