Depuis plusieurs années, le Sénégal est devenu un vaste chantier. La capitale est chaussée de matériaux de construction routière tels que le basalte et la latérite. Face à la rareté de ces matériaux, la baisse de leur qualité, le coût élevé de leur exploitation, de nouvelles alternatives sont envisagées avec, notamment, le silex et le quartzite. Mais malgré les avancées notées dans la recherche, le manque de moyens plombe leur « mise en route ». Dans cet entretien, Adama Dione, docteur de l’université de Thiès, UFR Sciences de l’Ingénieur, par ailleurs enseignant chercheur en géotechnique à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines et de la Géologie (ENSMG), ex Institut des Sciences de la Terre (IST) fait le point de la situation.
Docteur, quelle est la situation des matériaux de construction que nous utilisons le plus au Sénégal ?
Au Sénégal, les matériaux sont traditionnels. Nous avons le basalte et la latérite qui sont utilisés depuis des années. Ce sont des matériaux conventionnels. Par rapport à ces matériaux, nous avons le basalte qui se fait de plus en plus rare. Si on interroge l’histoire, la première carrière de basalte se trouve vers la corniche derrière l’hôpital principal de Dakar dans les années 1960-1970.
Le président Léopard Sédar Senghor avait donc interdit son exploitation. Il y’a aussi celles de Diak vers Ngoundiane qui sont actuellement exploitées. Il faut aussi noter que le basalte tend à s’épuiser et son exploitation se fait en profondeur ce qui augmente leurs coûts.
Pour la latérite, on la trouve en climat tropical. Elle aussi se raréfie de plus en plus. Mais trouver un matériau de qualité n’est pas chose facile. Il nous faut des portances de 30 à 35 pour la tenue de fondation et pour la couche de base 80 à 90. Donc on est parfois obligé d’utiliser le ciment qui est aussi très cher pour pallier ce manque.
Dans ce cas, quelle alternative proposez-vous?
Actuellement, il y’a d’autres matériaux. Mais le problème, c’est leur utilisation qui n’est pas encore à l’ordre du jour. Après le basalte, il y’a le quartzite, un matériau que nous avons vers Bakel, exploité par l’entreprise Mapathé Diouck depuis 2009.
On peut l’utiliser dans les localités comme Tambacounda, Kidira, Matam, Linguère. Mais à Thiès et Dakar il y’a des problèmes liés au coût du transport.
Est-ce que ces matériaux de substitution existent en abondance au Sénégal
En dehors du quartzite, il y a le silex qu’on exploite auprès des Industries Chimiques du Sénégal, à Mboro. Ce matériau (le silex) existe depuis des années. Ce sont des rejets miniers. Il faut les traiter, les concasser. Les résultats que nous avons nous permettent de l’utiliser.
Et comment l’utilise-t-on ?
En réalité, il est à améliorer du fait de l’état du matériau qui est un peu lisse et qui s’aplatie. Les études de Diémé et Sidibé des années 1993 et 1994 ont montré qu’il y a des réserves de plus de 3 millions de tonnes. Donc on peut dire qu’il y a une quantité assez suffisante.
A combien d’années estimez-vous la durée de vie des chaussées construites avec ces matériaux ?
Ces nouveaux matériaux ne sont pas encore utilisés en technique routière mais ils font l’objet d’études. Nous sommes en train de voir la possibilité de les utiliser. Pour le moment, nous ne pouvons pas nous prononcer sur sa durée de vie. Mais les résultats sont performants.
Est-ce que les entreprises sénégalaises s’y intéressent ?
Au niveau des carrières, il y a des sénégalais. Par exemple, Tanor Granulats de M. Dieng nous fournit beaucoup de matériaux pour faire nos recherches. Au début le matériau était trop pollué. Mais à son processus, même le ciment à été amélioré. On peut dire que ce sont en grande partie les sénégalais qui font la recherche.
Il nous reste beaucoup de travail à faire. Nous sommes un peu limités car le taux de financement est faible. Ce n’est donc pas encore gagné. On va faire beaucoup de recherches. On fait avec les moyens du bord. Mais dernièrement, nous avons l’appui d’un laboratoire qui nous permet de faire des essaies.
Par Ndèye Mour Sembène.