Contribution : Notre pays, le Sénégal est attendu dans le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et de gaz. Alors que les opérations de forage battent leur plein au niveau du champ pétrolier de Sangomar, la main d’œuvre locale quant à elle fait face à beaucoup de problèmes notamment la mise en application effective de la politique du contenu local.
Le cas le plus récent est celui des agents du service de restauration et d’hôtellerie à bord du navire de forage OCEAN BLACK
RHINO (communément appelé service Catering). Neuf d’entre eux viennent d’être licenciés par la société intérimaire RMO ENERGY alors que des négociations étaient amorcées depuis quelques semaines entre les différentes parties prenantes.
LA MAIN-D’OEUVRE ÉTRANGÈRE PRÉFÉRÉE À LA MAIN D’OEUVRE SÉNÉGALAISE
Pour rappel, le service de catering comptait 21 sénégalais à l’entame de la campagne de forage sur le champ de Sangomar. Ces derniers s’occupaient de services tels que la cuisine, la pâtisserie, la blanchisserie, le nettoyage et entretien des locaux à bord. Ils partageaient le service avec des employés philippins d’effectif inférieur à celui des sénégalais.
Depuis le début du projet de forage en 2021, ces marins abattaient un travail irréprochable et positivement apprécié par leur superviseur à bord. Aucun d’entre eux n’a eu à commettre une faute grave, aucune insuffisance professionnelle ne leur a été notifiée. De surcroÎt, le choix des 9 marins écartés du projet a été fait de façon anarchique, sans aucun respect de critères légalement requis en pareille circonstance tels que l’ancienneté, la compétence professionnelle, les charges sociales etc.
Tout se passait bien, jusqu’au mois d’avril 2022. En effet, il y a eu une arrivée de quelques employés philippins qui a provoqué le débarquement inopiné d’un groupe de 4 sénégalais. Puis, chemin faisant, le nombre de philippins grimpait progressivement au détriment de celui des sénégalais. Après quelques mois, le service de catering s’est retrouvé à 67% composé de travailleurs philippins. Pendant tout ce temps les employés sénégalais sont restés à terre recevant le salaire minimal sans embarquer.
Ils ont par la suite été envoyés sur le chantier offshore de GTA pendant 2 mois puis à bord du navire OCEAN BLACK HAWK pendant un peu moins d’un an. Depuis le départ de ce dernier en juillet dernier, ces employés de RMO ENERGY qui y étaient déployés souffrent le martyr.
En effet, leur employeur a décidé, dans un premier temps, de les amener en chômage technique, le temps de les déployer sur le FPSO qui devrait bientôt opérer sur le champ de Sangomar.
Seulement, RMO a refusé toute compensation financière pour l’accompagnement de ses employés pendant cette période. Ce qui serait source de précarité absolue pour ces derniers. Lautre alternative proposée par RMO était
de licencier tout bonnement ces employés pour motif économique.
DES EMPLOYÉS VICTIMES DE CONFLITS D’INTÉRÊT DE SOCIÉTÉS INTÉRIMAIRES
Quelle que soit la nature des clauses des contrats entre les sociétés intérimaires partenaires que sont RMO ENERGY et son client O² CATERING, ou encore TAYLOR CATERING qui envoie les philippins au Sénégal, le constat est amer. Quand on sait que le service de catering est chargé des travaux d’hôtellerie et de restauration, il est inconcevable que ces emplois reviennent à des étrangers venus d’Asie, qui transitent par les États-Unis pour y signer leur contrat avant d’atterrir au Sénégal.
Toute cette gymnastique pouvait être évitée en préférant la main-d’œuvre locale qui pour lesdites tâches est aussi compétente que les philippins voire même plus compétente.
Chaque philippin qui embarque empêche de facto l’embarquement de 2 voire 4 sénégalais car ils font 6 à 12 mois à bord là où les sénégalais respectent les embarquements réguliers de 28 jours à bord pour 28 jours de repos.
Comment peut-on accepter une telle injustice dans un pays comme le Sénégal
où l’emploi reste une denrée rare et précieuse.
DE L’AMBITION DE RMO ENERGY DE LIQUIDER LES MARINS
Devant cette situation, l’autorité maritime en l’occurrence la Direction des gens de mer de l’Agence Nationale des Affaires Maritimes (ANAM) et le syndicat des gens de mer (SNGMS) se sont concertés avec RMO en vue de trouver de meilleures pistes de solution. Ce dernier évoquait des arguments différents et fragiles pour justifier cette tentative de
licenciement comme la fin des opérations de forage du OCEAN BLACK RHINO en octobre ou encore le non-paiement des salaires par son client O² CATERING (qui aurait directement contracté avec la compagnie américaine TAYLOR CATERING pour gagner le marché sur Sangomar). Que nenni.
Les opérations de forage n’ont jamais arrêté et se poursuivront normalement jusqu’en fin 2024 avec l’OCEAN BLACK RHINO et la compagnie affirme qu’elle ne doit aucun centime aux employeurs du personnel catering.
Autre argument évoqué par RMO ENERGY pour justifier ce licenciement est le fait que ces employés étaient déployés à bord du OCEAN BLACK HAWK et que ce dernier ayant levé l’ancre, il n’y avait plus d’emploi pour eux. Et pourtant, sur les contrats de travail dûment signés de ces travailleurs et visés par l’ANAM, il est bien précisé que ces marins sont employés à bord du OCEAN BLACK RHINO, pour une durée indéterminée (CDI).
Après l’avortement de tous ces arguments
balayés d’un revers de la main par le syndicat des gens de mer (SNGMS), RMO ENERGY a tout bonnement décidé de licencier ces 9 employés. Des notifications de licenciements ont été envoyées à chacun de ces employés le 08 novembre dernier. Ce, malgré que des négociations étaient toujours en cours sous l’autorité de la direction des gens de mer de l’ANAM.
En outre, RMO aurait bloqué le salaire du mois d’octobre des concernés pour les contraindre à accepter leur proposition de chômage technique sans compensation.
Ainsi, ces 9 employés n’ont toujours pas reçu leur salaire du mois d’octobre.
DES VICTIMES LAISSÉES À ELLES MÊMES
La question de la fragilité des emplois des sénégalais dans le secteur du pétrole et du gaz est plus que inquiétante. En effet, les employés sénégalais sont laissés à la merci des sociétés intérimaires qui gèrent les emplois à leur guise. Prétextant l’absence d’un cadre juridique conventionnel régissant le secteur du pétrole et du gaz offshore, ces dernières abusent de la crise d’autorité qui sévit actuellement dans le secteur. Ce cas présent n’est pas le premier constaté, il y a eu un précédent quasi similaire entre RMO ENERGY et une vingtaine de marins du GTA il y a un an.
Dans le cas actuel, les employés et leur syndicat le SNGMS ont frappé à la porte de toutes les autorités concernées de près ou de loin. Le secrétariat technique du
comité de suivi du contenu local a été saisi à plusieurs reprises, notamment pour la question cruciale de la préférence locale à compétences égales. L’autorité maritime, par le biais de la Direction des gens de mer a suivi ce différend du début à la station actuelle.
Malheureusement le constat est sans appel : RMO a imposé son véto là où les manquements juridiques sont lésions. Les marins se sentent ainsi négligés et clament haut et fort une non assistance à juste titre.
Par conséquent, le syndicat SNGMS dénonce avec fermeté la légèreté avec laquelle cette injustice a été négligée par les autorités concernées. Il s’agit bien de l’avenir professionnel de jeunes sénégalais à qui l’on prive un travail qui leur revient de droit.
Syndicat National des Gens de Mer et de l’Offshore Pétrole et Gaz du Sénégal (SNGMS)
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