Sénégal : Réformer les codes pour attirer à nouveau les investisseurs dans le secteur extractif

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Alors que le Sénégal amorce une nouvelle ère dans l’exploitation de ses ressources naturelles, le gouvernement, à travers le ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, a lancé un atelier national d’évaluation des codes régissant les secteurs pétroliers, gazier et minier. Cet exercice, qui se veut à la fois stratégique et participatif, marque une volonté forte de réajuster les outils juridiques pour les aligner sur les réalités économiques, sociales et environnementales du pays.

Dans un contexte où les attentes citoyennes en matière de souveraineté, de redistribution et de justice sociale sont élevées, le diagnostic critique de ces textes s’impose comme une urgence politique.Le Code pétrolier adopté en 2019 repose sur un régime unique de contrat de partage de production. Ce modèle, bien que standardisé à l’échelle internationale, limite la capacité de l’État à adapter les mécanismes contractuels à la spécificité de chaque projet. Les experts estiment qu’il réduit la marge de négociation pour optimiser la rente nationale, notamment dans les phases de transition énergétique où les prix sont volatils.

Du côté du gaz, les lacunes sont encore plus marquées dans code gazier de 2020. Le cadre juridique actuel manque de clarté sur les responsabilités des acteurs, d’incitations fiscales adéquates et de mesures concrètes pour favoriser le développement des infrastructures de valorisation locale. Ces insuffisances fragilisent la compétitivité du Sénégal dans un secteur hautement capitalistique.

Le Code minier de 2016 n’échappe pas à la critique. Il reste muet sur la gestion de l’exploitation artisanale, qui pourtant concerne des dizaines de milliers de personnes dans des zones rurales. Il ne garantit pas non plus un encadrement efficace des mécanismes de redistribution des revenus vers les collectivités territoriales, malgré l’existence du Fonds d’appui au développement local et du Fonds de péréquation. Les répercussions sociales et environnementales des activités minières ne sont pas suffisamment prises en charge, au point que de nombreuses communautés riveraines se plaignent de n’avoir reçu ni compensation équitable, ni investissements structurants.

Face à ces constats, le ministre Birame Souleye Diop a insisté sur la nécessité de sortir d’une approche juridique figée pour embrasser une vision de transformation souveraine, équitable et durable du secteur extractif. « Les ressources naturelles appartiennent au peuple sénégalais », a-t-il martelé, ajoutant que « leur exploitation doit servir à améliorer les conditions de vie des populations ». Il a rappelé à ce propos l’article 25-1 de la Constitution, qui consacre ce principe fondamental de souveraineté nationale.

Selon lui, les réformes à venir doivent permettre à l’État de mieux maîtriser ses ressources, d’assurer un partage équitable des revenus, de protéger les communautés impactées, de renforcer la participation des entreprises locales et de contribuer activement à l’industrialisation du pays. « Nous devons rompre avec la logique d’un secteur extractif tourné vers l’exportation brute. Ce modèle ne profite pas assez aux Sénégalais. Il nous faut un secteur qui transforme localement, qui crée de l’emploi et de la richesse au Sénégal », a affirmé le ministre.

L’enjeu est aussi celui du contenu local, que Birame Souleye Diop considère comme un levier stratégique. « Nous avons mis en place des lois et décrets pour encadrer la fourniture de biens et services locaux, favoriser l’emploi des jeunes et la formation des compétences nationales. Maintenant, il faut aller plus loin », a-t-il estimé, en appelant à « intégrer durablement les PME sénégalaises dans les chaînes de valeur du pétrole, du gaz et des mines ».

Le ministre a également pointé la nécessité d’un meilleur encadrement des sociétés nationales comme PETROSEN, RGS et SOMISEN. « Le rôle de l’État dans la chaîne de valeur extractive doit être clarifié et renforcé. Il ne s’agit pas seulement d’être actionnaire, mais d’être stratège et garant de l’intérêt général », a-t-il insisté.

S’adressant aux participants de l’atelier, il les a exhortés à proposer des réformes concrètes, enracinées dans les réalités sénégalaises. « Ne restons pas dans les diagnostics. Passons à l’action. Cet atelier doit déboucher sur des propositions solides, réalistes et courageuses pour fonder une gouvernance extractive plus juste et plus souveraine », a-t-il déclaré, avant de conclure, « Chaque baril, chaque gramme, chaque mètre cube extrait doit se traduire en développement humain, en écoles, en hôpitaux, en emplois pour nos jeunes ».

À travers cet atelier d’évaluation, le Sénégal amorce une phase cruciale. Il ne s’agit plus seulement de moderniser les textes de loi, mais de redéfinir les fondements d’une gouvernance des ressources naturelles qui place l’humain, les territoires et la justice sociale au cœur de la stratégie extractive. La promesse de souveraineté, si souvent brandie, devra cette fois être tenue par des actes législatifs concrets et ambitieux.

Yanda Sow

 

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