Alors que près de 39 000 tonnes de gasoil menacent de se déverser dans l’océan après l’avarie d’un navire au large des côtes sénégalaises, Greenpeace tire la sonnette d’alarme. L’ONG, alertée par l’absence de mesures urgentes concrètes, dénonce une situation d’une gravité exceptionnelle et pointe la faiblesse des moyens d’intervention du Sénégal face à un risque écologique susceptible de ravager la faune marine, détruire l’économie côtière et mettre en péril la santé des populations.
La menace d’une marée noire plane sur les côtes sénégalaises après l’avarie d’un navire transportant près de 39 000 tonnes de gasoil, actuellement en train de sombrer au large. Pour Greenpeace, qui suit la situation heure par heure, l’alerte ne peut plus être minimisée. « Le risque est réel et présent », affirme M Kaly, chargé de campagne Océan de l’organisation, visiblement préoccupé par l’évolution des événements.
Depuis plus de dix ans, Greenpeace travaille avec les acteurs de la mer au Sénégal et dans toute l’Afrique de l’Ouest. C’est d’ailleurs ces derniers, pêcheurs et observateurs du littoral, qui ont contacté l’ONG en premier pour signaler l’incident, bien avant la communication officielle de l’État. Le communiqué gouvernemental fait état d’une explosion dans la salle d’air machine, entraînant une entrée massive d’eau, une défaillance ayant gravement endommagé le navire et provoquant son affaissement progressif.
Pour Greenpeace, l’affaire est d’une gravité extrême. « Le Sénégal n’est pas préparé à faire face à une éventuelle marée noire », avertit M Kaly. Les moyens mobilisés par les autorités sont jugés insuffisants, notamment l’absence d’un navire doté des capacités nécessaires pour pomper rapidement l’intégralité du carburant. Le recours à des rotations, combiné à une météo défavorable et à une houle persistante, fait planer la possibilité d’un retard critique. « Jusqu’à présent, le pompage n’a pas commencé. Le bateau continue de couler, et le risque d’un déversement massif demeure très élevé », insiste-t-il.
Les barrières flottantes installées par l’État constituent une première mesure, mais leur efficacité reste limitée en cas de mer agitée. Pour Greenpeace, l’urgence est désormais d’anticiper tous les scénarios, y compris celui d’un déversement imminent. Le danger pour l’écosystème est immense. La zone où gît le navire est l’un des principaux espaces de pêche artisanale du pays et un couloir fréquenté par de nombreuses espèces d’oiseaux marins. « Une marée noire, c’est potentiellement des dizaines de millions d’espèces tuées », alerte le militant. Le gasoil forme en mer un écran opaque empêchant la lumière de pénétrer jusqu’aux herbiers et planctons dont dépend la chaîne alimentaire. « C’est un désert liquide qui s’installe lorsqu’un tel événement survient », ajoute-t-il.
Les conséquences sanitaires pour les populations côtières ne seraient pas moindres. La consommation de poissons contaminés pourrait provoquer des intoxications graves. Pour Greenpeace, la sensibilisation des populations, la formation des acteurs locaux et la préparation de scénarios d’urgence devraient être une priorité absolue dans un pays désormais producteur de pétrole et de gaz.
Or, selon le chargé de campagne océan de green peace, le Sénégal accuse encore un sérieux retard. Il cite en exemple la fuite de gaz survenue en février-mars sur la plateforme GTA, qui n’a fait l’objet d’une communication officielle que près d’un mois après. « Jusqu’à aujourd’hui, ni l’État sénégalais ni l’État mauritanien n’ont les moyens techniques de vérifier si la fuite a réellement été colmatée », déplore-t-il. Le parallèle qu’il établit est saisissant : dans les pays dotés de centrales nucléaires, les riverains reçoivent des formations et des dispositifs de sécurité. « Chez nous, alors que 39 000 tonnes d’hydrocarbures menacent de se déverser dans la mer, les populations ne savent même pas quoi faire en cas d’incident. »
Face à l’ampleur du risque, Greenpeace demande à l’État d’accélérer les opérations, de renforcer les moyens de protection et de faire appel à des experts internationaux si nécessaire. « Il n’y a plus de temps à perdre », martèle M Kaly, estimant que les mesures actuelles relèvent davantage de gestes symboliques que d’une stratégie robuste.
Alors que le navire s’enfonce lentement sous les eaux, l’inquiétude grandit sur l’ensemble de la côte ouest-africaine. Chaque heure qui passe rapproche davantage le Sénégal d’une catastrophe environnementale majeure. « Nous espérons que cette crise sera évitée, mais pour l’instant, aucun élément ne permet d’être rassuré », conclut le responsable de Greenpeace.
Yanda Sow
