Ressources naturelles : CAJUST pour une exploitation durable et un dialogue inclusif

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Citoyen Actif pour la Justice Sociale (CAJUST) a organisé ce jeudi à Thiès une rencontre nationale réunissant divers acteurs autour d’un enjeu central pour le Sénégal autour de la gouvernance des ressources naturelles à l’heure du changement climatique. Ce dialogue, jugé « capital » par plusieurs participants, a permis d’exprimer des préoccupations croissantes liées à l’exploitation des ressources extractives, tout en soulignant les pistes d’une transition énergétique juste et inclusive.

Dans son mot d’ouverture, Mareme Mbacké, Directrice exécutive de CAJUST, a livré un diagnostic lucide sur l’état du secteur extractif au Sénégal. Si l’exploitation des ressources naturelles notamment pétrole, gaz, zircon, phosphates  est présentée comme un levier stratégique de développement, les retombées économiques restent, selon elle, « marginales ». Le dernier rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) révèle que le secteur ne contribue qu’à 9,4 % des recettes budgétaires, moins de 5 % du PIB, et à peine 1 % de l’emploi national.

Or, ces résultats économiques contrastent fortement avec les impacts négatifs importants sur l’environnement, les moyens de subsistance des communautés locales, et la stabilité sociale. « Ce paradoxe, où la richesse des ressources n’entraîne pas nécessairement le bien-être des populations, alimente un sentiment d’injustice de plus en plus prononcé », a-t-elle déclaré.

Le dialogue de Thiès a permis de mettre en lumière la double vulnérabilité des populations  exposées à la fois aux effets du changement climatique et aux conséquences des projets extractifs. La montée des eaux, l’érosion côtière et la salinisation des terres arables menacent les écosystèmes et les activités vitales comme la pêche et l’agriculture, notamment dans des régions comme Saint-Louis, Fatick, Thiès ou le Delta du Saloum.

« La perte progressive de zones de pêche et la dégradation des récifs naturels comme celui de Ndiatara à Saint-Louis privent des milliers de familles de leurs moyens de subsistance », a martelé Fama Sarr, transformatrice de produits halieutiques et secrétaire adjointe du Conseil local de la pêche artisanale. Elle a dénoncé le manque de respect des engagements pris par les compagnies, en particulier la promesse de créer des récifs artificiels en compensation.

Des voix féminines crient leurs soffrances

Les femmes, en première ligne des impacts environnementaux, ont pris une place centrale dans ce dialogue. À l’image de Ngara Diouf, présidente de l’Association Femme Enfant Environnement de Fatick, qui a appelé à porter le Fonds d’Appui au Développement Local (FADL) à 1 % du chiffre d’affaires des entreprises minières. Elle a aussi plaidé pour la mise en place d’un comité régional de pilotage de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), et pour un accompagnement matériel concret des pêcheurs. « La pêche n’est pas qu’un moyen de survie, c’est un patrimoine culturel que nous devons préserver », a-t-elle rappelé.

Taïba Ndiaye : entre expropriation, pollution et révolte

Dans la zone des Niayes, l’exploitation minière – notamment celle du zircon – a transformé profondément le paysage. Demba Fall Diouf, président du collectif des personnes impactées à Taïba Ndiaye, a fustigé l’absence d’information et de concertation avec les communautés  « Nous ne savons même pas quels produits sont rejetés dans notre environnement. Des villages entiers ont été déplacés, comme Mbar Ndiaye et Mbar Diop, et les indemnisations sont dérisoires. » Il plaide pour une révision des règles d’indemnisation, en les indexant sur la durée de vie des mines et la valeur des minerais extraits, ainsi qu’un accès équitable à l’information.

Pour lui, la restitution des terres réhabilitées est une urgence : « Les agriculteurs doivent pouvoir reprendre leurs activités. La cohabitation ne sera possible que si les entreprises respectent les communautés. »

GCO : plaidoyer pour une nouvelle culture du dialogue

Face à ces critiques, Mamadou Diawara, chargé des relations publiques de Grande Côte Operations (GCO), a tenu à souligner les efforts de sa société en matière de responsabilité environnementale. « GCO est la seule entreprise minière qui réhabilite systématiquement les sites exploités, et n’utilise aucun produit chimique dans son processus. »

Il a également lancé un plaidoyer pour une meilleure collaboration entre entreprises, société civile et médias, afin que les bonnes pratiques soient connues et valorisées. « Nous sommes souvent interpellés sur des sujets qui ne relèvent pas de notre responsabilité directe, comme la restitution des terres. Là-dessus, nous demandons l’appui de l’État. »

Un dialogue salué par l’État

Présent à cette rencontre, Cheikh Tidjane Gueye, conseiller technique du ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, a salué la démarche : « Ce dialogue nous rend service à nous, autorités. Il nous permet de mieux comprendre les préoccupations du terrain. Les recommandations issues de cette journée seront transmises au ministre Birame Souleye Diop pour une meilleure prise en compte dans les politiques publiques. »

Il a insisté sur la nécessité d’une approche collaborative, affirmant que « tous les acteurs entreprises, État, communautés, société civile – doivent travailler dans l’intérêt supérieur du Sénégal. »

Vers une transition juste et durable

Au terme de cette rencontre, un consensus semble se dégager : l’exploitation des ressources naturelles ne peut continuer sans une gouvernance inclusive, transparente et équitable. La transition énergétique, déjà amorcée par l’État sénégalais, doit s’inscrire dans une dynamique de justice environnementale, en tenant compte des impacts sociaux, des droits des populations et des enjeux climatiques.

« Nos décisions d’aujourd’hui détermineront l’avenir écologique, économique et social du Sénégal. Ce dialogue est une étape décisive vers une gouvernance des ressources centrée sur l’humain, et non sur la seule rentabilité. »  conclu Mareme Mbacké ;

Yanda Sow

 

 

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