La cérémonie de partage du rapport ITIE 2024 a dépassé le cadre d’un simple exercice de reddition des comptes. À Dakar, les autorités ont clairement affiché leur volonté de rompre avec un modèle extractif centré sur l’exportation de matières premières brutes, au profit d’une transformation locale créatrice de valeur et d’emplois.
Présidant la rencontre au nom du Premier ministre, le directeur de cabinet, Ibrahima Gueye, a souligné que le thème retenu « De l’extraction à la transformation économique : quelle stratégie pour maximiser la valeur ajoutée locale ? » traduit une inflexion majeure de la politique minière du pays. Selon lui, les échanges issus de cet atelier doivent permettre au Sénégal de franchir un cap décisif vers l’industrialisation de ses ressources naturelles.
Le diagnostic reste toutefois sévère. Malgré la richesse du sous-sol sénégalais, le secteur extractif ne contribue qu’à 4,95 % du PIB et à seulement 0,74 % de l’emploi national. Une faible performance largement liée à l’absence de transformation locale des minerais, encore majoritairement exportés à l’état brut.
Pour les autorités, cette situation est le résultat d’un modèle économique hérité, longtemps dominé par l’exploitation sans valorisation. « Notre économie est restée prisonnière d’un schéma d’exportation brute », a reconnu Ibrahima Gueye, appelant à une rupture assumée.
Cette rupture est désormais inscrite dans la Vision Sénégal 2050, qui fait du secteur extractif un levier stratégique de la transformation économique. Contrairement au Plan Sénégal Émergent, axé sur la maximisation de quelques minerais phares comme l’or, le phosphate ou le fer, la nouvelle orientation vise l’intégration des ressources minières dans des chaînes de valeur locales et mondiales.
Le Master Plan 2025-2027 et la Stratégie nationale de développement 2025-2029 sont attendus pour traduire cette ambition en politiques concrètes. L’objectif affiché est de faire des industries extractives un moteur de l’industrialisation, à travers le développement de fournisseurs locaux, la création de valeur ajoutée sur le territoire national et l’émergence d’un écosystème d’innovation et de savoir-faire.
Au-delà de la dimension économique, la question de la souveraineté et de la gouvernance a également été au cœur des échanges. Le président du Comité national ITIE, Thialy Faye, a plaidé pour un changement de paradigme dans la gestion des ressources naturelles. « Il est temps de rompre avec une économie fondée sur l’exportation brute des matières premières », a-t-il déclaré, appelant à promouvoir leur transformation locale et la création de richesses nationales.
Thialy Faye a également mis en garde contre les dérives d’un extractivisme peu regardant sur les droits humains et l’environnement. Pour lui, la transformation du secteur doit aller de pair avec une exploitation responsable, conforme à l’esprit de la Constitution sénégalaise, qui consacre la propriété populaire des ressources naturelles.
À travers le rapport ITIE 2024, les autorités et les acteurs du secteur affichent ainsi une ambition claire : faire du sous-sol sénégalais non plus une simple source de rentes, mais un véritable levier de développement industriel durable. Reste désormais à traduire cette vision en actions concrètes, dans un contexte où les attentes des populations et de la société civile demeurent fortes.
Yanda Sow
