Avec 554 715 onces d’or produites en 2024, soit un peu plus de 11 tonnes, la région de Kédougou confirme son statut de cœur aurifère du Sénégal. Estimée à 420 milliards de francs CFA, cette production place l’or parmi les premières sources de richesse minière du pays. Mais au-delà du chiffre brut, l’analyse économique interroge la capacité du secteur à générer une valeur durable pour l’économie nationale et locale.
À l’échelle macroéconomique, cette performance renforce les exportations minières et contribue à la stabilité des recettes publiques, à travers les redevances, l’impôt sur les sociétés et les dividendes de l’État. L’or reste ainsi un pilier stratégique dans un contexte où le Sénégal cherche à diversifier ses sources de revenus, aux côtés du pétrole, du gaz et des phosphates.
Cependant, la structure de la chaîne de valeur révèle des limites persistantes. L’essentiel de l’or extrait à Kédougou est exporté à l’état brut, avec une faible transformation locale, ce qui réduit les effets d’entraînement sur l’industrie nationale. La contribution du secteur extractif au PIB demeure inférieure à 5 %, tandis que l’impact sur l’emploi direct reste marginal, malgré des volumes de production élevés.
Sur le plan territorial, la question de la redistribution reste centrale. Les communes minières supportent les coûts environnementaux et sociaux de l’exploitation, mais peinent encore à percevoir des retombées proportionnelles à la valeur créée. Les mécanismes de transferts infranationaux, notamment le Fonds d’appui au développement local (FADL), sont souvent jugés insuffisants au regard des besoins en infrastructures, en services sociaux de base et en restauration des écosystèmes.
Enfin, cette performance aurifère relance le débat sur la soutenabilité du modèle minier. À moyen terme, l’enjeu pour le Sénégal ne sera pas seulement de produire davantage, mais de mieux capter la valeur, à travers le contenu local, la transformation, l’innovation et une gouvernance renforcée des revenus.
Les 420 milliards de francs CFA générés par l’or de Kédougou posent ainsi une question fondamentale à savoir comment transformer cette richesse géologique en véritable levier de développement économique et social, au bénéfice des populations et des générations futures ?
Yanda Sow
