Les codes miniers peuvent être classés en plusieurs générations :
I/ Période avant les indépendances (les codes miniers de l’époque coloniale) :
L’Objectif de ces codes était axé sur l’approvisionnement des colonisateurs en minerais
Je peux donner l’exemple des mines de cuivre de la Zambie et de la RDC. La conséquence est qu’ils ont peu contribué au développement des pays producteurs.
II/ Les codes miniers postcoloniaux, dits dationalistes sont intervenus après les indépendances c’est-à-dire la période allant de 1960 à 1980.
A travers ces codes, les Etats voulaient contrôler le secteur minier. Ils se sont manifestés par l’élaboration d’une législation très protectionniste (approche nationaliste), une nationalisation des sociétés minières et des prises de participations. L’absence de maîtrise du secteur a eu comme effet, la faiblesse des prix des minéraux. Cela s’est traduit par un mauvais rendement des sociétés minières gérées par les Etats, une diminution de la production, l’effondrement des activités d’exploration et la fuite des investisseurs privés.
Cette période correspond aussi à un endettement des pays d’Afrique et d’Amérique Latine.
III/ Les codes miniers dits libéraux ou attractifs entre 1980 et 2000 :
Le retour des investisseurs n’a pas été facile pour les pays d’accueil regorgeant de minerais. Cette période était une occasion de flatter les investisseurs. C’est pourquoi cette législation avait pour objectif d’attirer les investissements directs étrangers par des avantages fiscaux et autres :
- Redéfinition du rôle et des fonctions de l’État
- Libéralisation du secteur minier
- Garantir aux investisseurs un cadre juridique et fiscal stable
- Garantir certaines normes sociales et environnementales
En résumé, les États ont mis en place leur législation pour faire revenir les investisseurs.
Le constat est qu’il y avait trop d’avantages accordés aux sociétés minières, avec un déséquilibre notoire entre leurs profits et ceux des États. On voit ainsi l’apparition de nouveaux investisseurs qui jadis défendaient, au sein des institutions financières, un retrait des États des les opérations minières.
IV/ Les codes miniers libéraux ou attractifs révisés :
Ils apparaissent à partir des années 2000. Ils révèlent une réaction des états aidés par les ONG. Ils sont motivés par des préoccupations économiques et budgétaires. Avec l’émergence de principes nouveaux internationalement admis, les États constatent la nécessité d’accroître leurs recettes et de corriger les inégalités des profits entre les sociétés minières et les États.
La nouvelle politique minière était la valorisation des ressources africaines grâce a une hausse de la demande mondiale en minerais, et la nécessité de garantir certains principes : principes de responsabilité sociale des entreprises extractives, de transparence (ITIE, principe de Kimberley), publier la propriété réelle des entreprises extractives, la juste compensation des populations déplacées et affectées.
La nationalisation des entreprises vouée, par la suite, à l’échec après une décennie d’indépendance, a constitué́ le début de l’introduction des programmes de flexibilisation des législations minières. Les difficultés économiques auxquelles ces pays sont confrontés, s’illustrant par la hausse de l’endettement, ont activé́ la réaction des Institutions Financières Internationales (I.F.I). Curieusement, les pays d’Afrique n’étaient pas les seuls à se retrouver dans cette situation. Ceux d’Amérique Latineétaientfrappés par le même sort.
La crise économique, l’hyperinflation et l’instabilité́ politique étaient omniprésentes. Face à ces difficultés, les pays en voie de développement ont formulé́ alors de l’aide à l’endroit des I.F.I que sont le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM).
La réponse positive de ces institutions a été́ subordonnée au respect des recommandations prises lors du Consensus de Washington (C.W). Un ensemble de dix (10) commandements du néolibéralisme de l’école de Chicago, que l’économiste John WILLIAMSON a qualifié́ de consensus de Washington[1]a été́ imposé aux pays en développement pour leur venir en aide.
Les États doivent ainsi appliquer la discipline budgétaire, priorité́ pour les dépenses publiques, c’est-à-dire, la suppression des subventions, une réforme fiscale attractive, une réforme du taux d’intérêt, l’adoption d’un taux de change compétitif du commerce, la privatisation des entreprises, le dérèglement de l’économie et l’application du droit de propriété́.
Ces mesures préconisées par les I.F.I, ont été́ naturellement suivies par les propriétaires de minerais se retrouvant dans des difficultés économiques. Dans cette période, sont nés les Codes miniers libéraux bâtis sous l’influence des recommandations du CW. La législation minière était donc peu rigide relativement à la protection de l’environnement et à la maximisation des revenus.
Les pertes financières enregistrées par les pays miniers ont généré́ des critiques portées par une diversité́ d’auteurs et l’adoption d’autres Conventions qui remettent en cause les dix commandements du C. W.
Le CW est conçu comme les prémices d’une mise sous tutelle de l’économie des pays en développement (PED), parce qu’il traduit un changement radical dans la façon de penser les problèmes des PED.
Il a motivé́ les opérations de prospection, de recherche et d’exploitation au Sénégal et en Guinée, parce que les sociétés minières bénéficiaient déjà̀ d’un régime juridique assez souple pour les opérations minières. Mais la transparence comme valeur devrait accompagner les projets miniers, ce qui a encouragé́ la mise en place d’institutions de lutte contre la corruption.
Alors que certains pays miniers d’Afrique étaient troublés par l’endettement aggravé par l’échec de la nationalisation des entreprises minières, les I.F.I ont proposé́ une série de recommandations lors du Consensus de Washington.
Ces recommandations adressées aux pays ont généré́ ce qu’on a appelé́ « la politique d’ajustement structurel » qui a fortement orienté les législations de certains pays. L’application des recommandations du Consensus de Washington a abouti à l’instauration du droit de propriété́, la privatisation d’entreprises publiques et l’encouragement de l’investissement direct estranger.
La période de l’ajustement structurel était l’occasion pour les institutions financières d’affaiblir le rôle de l’État dans la gestion des entreprises minières. Le paquet de commandement sorti du Consensus de Washington posait les bases d’un retrait et d’abandon de ses pouvoirs souverains dans les secteurs stratégiques de développement.
Il s’agit, entre autres, de la privatisation des entreprises et du dérèglement de l’économie. Le PAS s’est traduit, finalement, par une dépossession d’un grand nombre de pays, en particulier d’Afrique subsaharienne, de la maîtrise de leurs orientations stratégiques. Cette vulnérabilité́ était née d’une crise qui n’avait pas épargné́ les pays miniers d’Afrique.
L’échec du consensus de Washington et la réplique du consensus de Séoul
Les limites du C.W ont été́ soulevées dans une série de conférences publiées sous l’intitulé « Joseph Stigglitz and the World bank ; The Rebel withil ». A l’occasion de ces conférences, l’auteur souligne que « les mesures préconisées par le CW, sont certes importantes pour le développement, mais clairement insuffisantes et qu’elles vont parfois dans la mauvaise direction ».
Cette insuffisance, on la constate dans le quasi-monopole des entreprises privées, dans l’industrie minière, mais aussi les abandons fiscaux au détriment des projets de développement des États d’accueil.
Les citoyens, habitants dans les zones minières, fatigués de subir les agressions des entreprises minières, commencent ainsi à manifester leur amertume face à la dégradation de l’environnement, du tissu social notamment le chômage et un accès difficile aux soins médicaux.
On s’aperçoit ainsi, que la conception de la gouvernance telle que précisée par la Banque Mondiale (B.M) et inspirée dans une perspective normative par le CW, était porteuse d’une perspective de mise en retrait de l’Etat dans un processus auquel des acteurs de différentes natures étaient conviés afin d’apporter des réponses au déficit de légitimité́ et d’efficacité́ rencontré par plusieurs pays.
Les résultats négatifs du CW ont permis une « réplique de Seoul »lors du sommet de G20 en novembre 2010. A l’issue de ce sommet les dirigeants du G-20 sont convenus d’une série de mesures politique et économiques visant à relever les défis de la reprise mondiale, à relancer la croissance et mieux prévenir les crises futures.
Les dirigeants du G-20 s’engagent ainsi à travailler en partenariat avec les pays en développement en mettant en place un plan d’action pluriannuel[2].
Djiby Ndiaye, Docteur en droit privé,
Option droit des affaires, spécialiste en
Droit des ressources minérales
Bibliographie :
Edmond Cibamba Diata, les codes miniers en Afrique : Analyse de la rédaction Législative, séminaire de formation à Accra au Ghana, 2016.
Gilbert ABRAHAM-FROIS et Brigitte DESAIGUES : Du « consensus de Washington » au « consensus STIGLITZIEN »Revue d’économie politique,2003/1 Vol. 113 | pages 1 à 13.
P. Vercauteren, , Du « Consensus de Washington » au « Consensus de Seoul » : quelle place pour l’État dans la gouvernance ? Politique et Sociétés, 2013.
[1]Gilbert ABRAHAM-FROIS et Brigitte DESAIGUES : Du « consensus de Washington » au « consensus STIGLITZIEN »Revue d’économie politique,2003/1 Vol. 113 | pages 1 à 13
[2] V° le sommet du G-20 : consensus de Seoul sur le développement, publié sur le site du Groupe de la Banque Africaine développement, 12 Novembre 2010.