Le Natural Resource Gouvernance Institute (NRGI) a récemment tenu une table ronde pour discuter de la stratégie Gaz-to-Power du Sénégal, réunissant des experts du secteur énergétique. Cette rencontre visait à explorer à la fois les opportunités que cette stratégie pourrait offrir et les points faibles identifiés dans le rapport de NRGI sur la strategie.
L’économiste Pape Daouda Diène, co-auteur du rapport et économiste senior à NRGI, a mis en lumière plusieurs préoccupations. « La question de l’approvisionnement des centrales en gaz mérite réflexion, car des retards importants ont été constatés par rapport aux plans initialement prévus pour le démarrage de l’exploitation du gaz », a-t-il déclaré. Ces retards sont d’autant plus préoccupants dans le contexte actuel, où des incertitudes entourent le projet Yakaar Teranga, suite au départ de BP. Ce projet avait été une pierre angulaire de la stratégie Gaz-to-Power, et son ralentissement pourrait compromettre l’approvisionnement en gaz nécessaire pour les centrales.
Le rapport de NRGI aborde également la question cruciale du financement. Dans un contexte mondial où les fonds publics pour les projets pétroliers et gaziers se font de plus en plus rares, le Sénégal pourrait avoir besoin de 2,2 milliards de dollars pour transformer ses centrales à fuel lourd en centrales à gaz et en créer de nouvelles. Le financement du réseau gazier, essentiel à la mise en œuvre du projet Gaz-to-Power, constitue un risque majeur pour les objectifs de l’État, qui vise une réduction des coûts de production et, par conséquent, une baisse du prix de l’électricité. À moins que l’État ne parvienne à financer lui-même ces projets, ce qui semble peu probable, la viabilité de cette stratégie pourrait être compromise.
L’implication du secteur privé national : un enjeu clé
La question du rôle du secteur privé national dans le financement de cette stratégie a également été soulevée. Les experts se sont interrogés sur la capacité des entreprises locales à mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir l’État dans ce projet ambitieux. Selon Pape Daouda Dieng, la transition énergétique est un processus irréversible, même si chaque pays l’aborde différemment. Il a précisé que le Sénégal continuera à exploiter les énergies fossiles tout en développant un plan pour les énergies renouvelables. Toutefois, le rapport met en lumière les limites de cette approche, soulignant que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique demeure très faible, avec 75 % de dépendance au gaz à l’horizon 2050.
Ce constat souligne une dépendance préoccupante au gaz, qui pourrait limiter les efforts du pays pour diversifier ses sources d’énergie. Le rapport indique que si seuls les plans contenus dans la révision de la politique de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) sont concrétisés, le mix énergétique du Sénégal pourrait afficher des proportions alarmantes, avec 75 % de gaz, 8 % de solaire photovoltaïque, 6 % d’éolien, 1 % de biomasse et 1 % de solaire thermique.
Le potentiel du JETP et les énergies renouvelables
Sur la transition énergétique et la part très importante occupée par le gaz dans le mix énergétique l’Etat est en train de renforcer le développement des énergies renouvelables dans son mix énergétique. « C’est vrai qu’on peut le dépasser et on fera tout pour le dépasser parce que tout simplement, la politique de l’État est de mettre au cœur également son process de développement des énergies renouvelables, qui sont les résultats de l’innovation. Et quand on parle d’innovation, ça veut dire que derrière, on va tousser des limites techniques les plus loin possible pour pouvoir favoriser le fait que les coûts de ces énergies renouvelables soient aujourd’hui compétitifs » a déclaré Khadim Ndiaye.
Le rapport évoque également l’impact potentiel de l’initiative Just Energy Transition Partnership (JETP) sur le mix énergétique futur du Sénégal. Dans un passé récent, le gaz était considéré comme une énergie fossile avant que la guerre en Ukraine ne modifie cette perception. Cette situation offre à Sénégal une opportunité de renforcer la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, en visant à inverser la tendance des 75 % de dépendance au gaz.
Il est crucial que le gouvernement élabore une feuille de route claire pour ses plans énergétiques à long terme, en veillant à inclure la société civile et les médias dans le processus pour garantir une meilleure inclusivité. Un consensus national autour de ces projets permettra d’assurer leur succès et leur acceptabilité.
Réponses du gouvernement et perspectives d’avenir
Lors de cette table ronde, M. Khadim Ndiaye, conseiller technique au ministère de l’Énergie, a apporté des clarifications sur certaines préoccupations. Il a rassuré les participants sur l’approvisionnement en gaz, affirmant que le gaz domestique, notamment celui de GTA et Yakaar Teranga, suffira à ravitailler le marché local. Il a également souligné que, dans les contrats respectifs de ces projets, la priorité est accordée à la vente sur le marché local. Le projet Gaz-to-Power ne dépend pas uniquement du projet Yakaar Teranga, mais a été initié dès 2018-2019, avec l’intention de faire une phase transitoire en important du gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter les centrales
Selon Khadim Ndiaye « Le projet Gaz to power a été décidé en 2018- 2019 c’était pour faire une phase transitoire en important du GNL pour alimenter les centrales et 20226 2023 utiliser le gaz domestique pour alimenter les centrales. Les objectifs de la stratégie c’est d’abord d’assurer la souveraineté énergétique pour le Sénégal, ensuite arrêter la subvention de l’énergie qui coute chaque année plus de 300 milliards, et enfin réduire le cout de l’énergie pour les usagers et en fin permettre l’accès universel à l’électricité à tous les sénégalais ».
Vers une transition énergétique inclusive
La table ronde organisée par NRGI a permis de mettre en évidence à la fois les opportunités et les défis que représente la stratégie Gaz-to-Power pour le Sénégal. Alors que le pays s’engage dans l’exploitation de ses ressources gazières, le rôle de l’État et celui du secteur privé national seront cruciaux pour garantir une transition énergétique inclusive et durable.
L’avenir énergétique du Sénégal dépendra de la capacité de tous les acteurs à collaborer efficacement, à concevoir une stratégie équilibrée qui favorise les énergies renouvelables tout en tirant parti des ressources gazières, et à élaborer une feuille de route claire pour les années à venir. Cette collaboration sera essentielle pour faire face aux défis posés par les changements globaux et assurer un développement énergétique durable pour les générations futures.
Yanda Sow