L’importance des services de l’État dans la lutte contre la corruption dans le secteur extractif a été au centre des discussions lors d’un atelier organisé par le programme USAID/TRACES à travers le consortium NRGI, ONG 3D et le Forum Civil. Samba Ba, Project Manager au bureau de gouvernance démocratique de l’USAID, a souligné le rôle crucial que peuvent jouer tous ces services pour améliorer la transparence et la redevabilité dans le secteur extractif.
Selon Samba Ba, « Réunir des autorités de police judiciaire, des magistrats et des experts universitaires est essentiel pour disposer d’une masse critique de ressources humaines afin de discuter des enjeux et des défis liés à la corruption dans le secteur extractif. » En outre, l’objectif principal de l’atelier était d’échanger sur le cadre réglementaire, le partage des revenus et la négociation des contrats. « Nous voulons aborder tous les indices qui pourraient alerter sur les aspects de corruption, » a expliqué Samba Ba, précisant que cet atelier venait à point nommé pour traiter ces questions cruciales.
Le rôle des autorités judiciaires dans ce processus est fondamental. « Une fois les enquêtes lancées par les autorités de police judiciaire, les magistrats interviennent pour traiter les dossiers, » a-t-il précisé. La présence de ces professionnels permet de renforcer leur compréhension des nouveaux règlements et des contrats en vigueur, ce qui est essentiel pour lutter efficacement contre la corruption.
La renégociation des contrats évoquée
Les discussions ont également porté sur la négociation des contrats, un sujet particulièrement débattu en vue de la renégociation annoncée des contrats par l’Etat. « La renégociation est possible, mais elle doit être encadrée, » a affirmé Samba Bâ. Des audits peuvent révéler des manquements de la part des contractants, fournissant ainsi des arguments solides pour la renégociation. Cependant, la prudence est de mise, car les clauses de stabilisation peuvent être invoquées par les contractants, entraînant des arbitrages.
Par ailleurs, l’atelier a clarifié la répartition des revenus issus de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. « L’État sénégalais tire un profit significatif de ces revenus, avec des parts croissantes en fonction de la production, » a noté Samba Ba. Cependant, il a insisté sur la nécessité de vulgariser ces informations pour qu’elles soient accessibles au niveau communautaire.
Pour ce faire, des efforts ont été déployés pour former les acteurs du secteur et les journalistes sur les techniques d’investigation. « Nous avons identifié de nombreux journalistes qui ont été formés pour adresser des questions techniques en lien avec le secteur et fournir des informations précises, » a déclaré Samba Ba.
Une meilleure compréhension du cadre juridique du secteur
Maguette Diop, Président du Tribunal de Grande Instance de Mbour pour sa part, a souligné que « cette rencontre nous a permis de renforcer nos capacités sur le cadre juridique, l’arsenal législatif et d’autres aspects extra-juridiques essentiels ». En effet, juger, c’est d’abord comprendre, et cette session de formation a offert aux participants une meilleure compréhension des dynamiques du secteur pétrolier, gazier et minier.
Le secteur extractif est stratégique pour les politiques publiques, comme l’a rappelé le Président de la République, affirmant que « les ressources naturelles appartiennent au peuple ». Il est donc crucial que l’État puisse bénéficier équitablement des revenus de ce secteur. En cas de déséquilibres contractuels ou de changements économiques, il est légitime pour l’État de renégocier les contrats afin d’en tirer un profit maximal pour le bénéfice de la population.
A cet effet, magistrats sont conscients que ce projet de renégociation des contrats envisagé par l’État peut générer des contentieux. « Ce que nous avons appris au cours de cette formation nous permettra d’être bien outillés, non seulement sur le plan juridique mais aussi en termes d’enjeux et de perspectives, » a déclaré Maguette Dio. Cette vision panoramique est essentielle pour rendre des jugements de qualité, qui tiennent compte de l’environnement et des intérêts des parties, à commencer par ceux de l’État du Sénégal.
Les corps de lutte contre la fraude et la corruption impliqués
L’initiative de réunir les acteurs de la justice et de la société civile pour aborder les questions de corruption dans le secteur extractif a été saluée. « La justesse du choix des participants, incluant les officiers de police judiciaire, les autorités de poursuite, les magistrats de siège et des structures telles que l’Ofnac et la Centif, est remarquable, » a noté Maguette Diop. Cette pluridisciplinarité est cruciale, car la corruption est un phénomène complexe qui nécessite une réponse concertée.
En outre, cette formation a mis en lumière l’importance de la collaboration entre tous les acteurs concernés pour peaufiner des stratégies efficaces contre la corruption et les infractions associées. « Chacun doit jouer sa partition pour réduire les effets dévastateurs de la corruption, » a insisté Maguette Diop.
L’espoir est grand au regard de l’expertise démontrée lors de cette session. « Nous avons l’expertise et les personnes qualifiées pour inviter, voire contraindre, les sociétés contractantes à participer aux renégociations, » a affirmé Maguette Dio. Les travaux pratiques ont montré que des arguments solides et convaincants peuvent être mis sur la table pour garantir que l’État ne soit pas disproportionnellement désavantagé. Il est essentiel que chaque partie prenante y trouve son compte dans un cadre de négociation équilibré.
Le renforcement des capacités des acteurs est un impératif
Pape Fara Diallo, Président de la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez Sénégal, a mis en avant l’importance de repenser les mécanismes de gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz pour éviter les détournements et garantir un impact réel sur la vie des Sénégalais. La lutte contre la corruption dans le secteur extractif, très corruptogène, est un défi majeur. Cet atelier a permis de voir comment renforcer les garanties nécessaires à toutes les étapes, de la négociation des contrats à la gestion des revenus.
« Le secteur extractif génère énormément de ressources. Avec le projet de Sangomar, le Sénégal est désormais un pays producteur de pétrole, » a souligné Pape Fara Diallo. Il est essentiel de renforcer les capacités des acteurs de la protection, tels que les commissaires, magistrats, enquêteurs et institutions comme l’OFNAC, pour traquer les fraudes et la corruption.
Il est crucial de renforcer les capacités de ces acteurs, qui mènent des enquêtes sur les infractions liées à la corruption sans toujours bien connaître le secteur extractif. Les panélistes ont mis l’accent sur le cadre légal et réglementaire, ainsi que sur les défis et opportunités liés à la répartition et à la gestion des revenus, notamment avec la loi sur la répartition des revenus de 2022.
La nécessité de renforcer le FONDS
« Ces revenus attendus dans l’industrie pétrolière sont très importants, » a noté Pape Fara Diallo. La budgétisation intégrale des revenus, bien que pratique, pose problème car une fois dans les caisses de l’État, le principe de l’unicité de caisse s’applique. Cela dilue les fonds dans différents secteurs, rendant difficile la mesure de l’impact réel des revenus du secteur extractif sur le développement économique et social.
Un autre enjeu est le fonds intergénérationnel, censé respecter l’équité entre générations. L’idée est bonne, mais des questions se posent sur les investissements pour les générations futures et les risques de mauvaise gouvernance future. « Investir pour les générations futures devrait consister à investir aujourd’hui dans des secteurs clés comme l’éducation et le développement technologique, » a suggéré Pape Fara Diallo. Cela préparerait les jeunes générations à être économiquement actives à l’avenir.
La gouvernance du FONSIS, chargé de gérer le fonds intergénérationnel, doit être renforcée pour garantir transparence et redevabilité. Ouvrir le conseil d’administration à des acteurs de la société civile et du monde parlementaire est nécessaire pour assurer une bonne gouvernance. « Nous devons pouvoir donner notre point de vue sur la doctrine d’investissement de l’État du Sénégal à partir des ressources extractives, » a conclu Pape Fara Diallo.
Yanda Sow