Sénégal-Renegociation des contrats: quelles sont les atouts dont dispose l’Etat?

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Depuis l’élection du Président Bassirou Diomaye Faye en mars 2024, le Sénégal a entamé un virage stratégique en exprimant sa volonté de renégocier plusieurs contrats clés, notamment dans les secteurs minier, pétrolier et gazier, signés avec des multinationales.

Avec l’arrivée au pouvoir de Faye, cette initiative gouvernementale dépasse désormais le cadre des promesses électorales. Une commission spéciale a été mise en place pour examiner ces contrats, tandis qu’un audit sectoriel a également été annoncé par les autorités. Cela traduit la détermination du nouveau gouvernement à tenir son engagement en faveur d’une gestion plus transparente et plus efficiente des ressources naturelles.

Ce phénomène n’est pas isolé. Historiquement, les changements politiques ont souvent entraîné des renégociations de contrats dans plusieurs pays : la Bolivie en 2006, le Libéria et la Sierra Leone en 2008, ainsi que la Guinée en 2011 en sont des exemples. Dans ces cas, les transitions gouvernementales ont précédé la révision des accords conclus.

La réussite de ce processus dépendra de nombreux facteurs juridiques, économiques et politiques. Le gouvernement sénégalais a pris un premier pas important en annonçant la commission de révision, qui se penchera sur l’examen des contrats avant de décider des éléments à renégocier. Une évaluation minutieuse des coûts et avantages à chaque étape du processus sera cruciale.

Cependant, les circonstances actuelles ajoutent une couche de complexité : plusieurs projets pétroliers et gaziers arrivent à des phases de production, et les dynamiques de marché, comme la demande européenne de gaz, la transition énergétique, et le retrait de certaines compagnies, doivent également être prises en compte.

Si ces renégociations sont bien menées de façon transparente, elles pourraient permettre au Sénégal de maximiser les bénéfices à long terme. En revanche, un processus opaque risquerait d’altérer les relations avec les partenaires, de décourager les investissements futurs, et d’éroder la confiance des citoyens dans la gestion des ressources naturelles.

L’expérience internationale offre des enseignements précieux que le Sénégal pourrait adapter à son contexte. En attendant plus de précisions de la part des autorités, voici cinq recommandations qui pourraient guider le comité chargé des renégociations pour garantir le succès de cette entreprise :

1. Définir des objectifs clairs et réalisables

Avant de renégocier les contrats, il est crucial de définir des objectifs précis. Ces objectifs doivent être réalistes et basés sur une analyse rigoureuse des coûts et bénéfices, en tenant compte des domaines comme la fiscalité, le contenu local, et la protection de l’environnement. Un consensus sur ces objectifs est essentiel pour éviter l’ingérence politique et garantir la légalité des accords.

2. Assurer une communication transparente

La transparence est un facteur clé de réussite. Une stratégie de communication claire, à la fois pour les investisseurs et pour les citoyens, permettra de gérer les attentes et de garantir un climat d’investissement stable. En outre, la publication des documents de renégociation, en conformité avec les standards de l’ITIE, renforcera l’intégrité du processus.

3. Former une équipe de renégociation pluridisciplinaire

Une équipe de renégociation équilibrée, avec une expertise technique et politique, est indispensable. Elle doit inclure des experts indépendants et des acteurs ayant une connaissance approfondie des contrats. L’autorité de cette équipe doit être clairement établie pour éviter les ingérences extérieures.

4. Utiliser judicieusement le soutien externe

L’expertise externe, notamment en droit et en fiscalité, peut être utile. Toutefois, elle doit rester complémentaire aux compétences locales. Le gouvernement doit veiller à ce que les conseillers externes n’empiètent pas sur l’autorité des négociateurs sénégalais.

5. Prévenir les risques de corruption

Afin d’éviter que les renégociations ne deviennent un terreau fertile pour la corruption, le gouvernement doit instaurer des mécanismes de gouvernance stricts. Des mesures comme celles adoptées en Indonésie, où un audit parlementaire a été réalisé avant la renégociation, pourraient être appliquées pour limiter les interférences politiques.

Le Sénégal a l’opportunité de repositionner sa gestion des ressources naturelles à travers ces renégociations. Cependant, le succès de cette démarche dépendra de la rigueur et de la transparence du processus. En s’appuyant sur les meilleures pratiques internationales, le gouvernement peut maximiser les retombées économiques pour le pays tout en rassurant les investisseurs et la population.

Abdoulaye Ba, Chargé de recherche et de données sur l’Afrique à NRGI

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