Le mercredi 23 juillet, l’Association des Journalistes pour la Transparence dans les Ressources Extractives et la Préservation de l’Environnement (AJTREPE) s’est rendue sur le site d’exploitation d’Eramet Grande Côte , entre les régions de Thiès et Louga. Cette visite de terrain, organisée à l’initiative de l’entreprise minière, s’inscrit dans une démarche de transparence et de dialogue, en lien avec les préoccupations croissantes autour de l’exploitation du zircon dans la zone des Niayes.
Dès l’ouverture de la journée, le Directeur général de GCO, M. Frédéric Zanklan, a affiché une volonté claire d’ouverture : « En réalité, nous n’avons rien à cacher. Notre activité est menée en toute transparence », a-t-il déclaré. Une posture appréciée par l’AJTREPE, dont les membres, spécialisés sur les enjeux extractifs, ont profité de cette opportunité pour poser des questions directes et concrètes sur les impacts environnementaux, la gestion des ressources naturelles, et les retombées sociales.
Les journalistes ont pu observer le fonctionnement de la drague géante, pièce maîtresse de l’extraction des sables minéralisés, et comprendre les différentes étapes de la transformation du sable dunaire. L’attention s’est portée notamment sur la consommation d’eau, la méthode d’extraction utilisée et les mesures prises pour éviter les pollutions. Sur ce point, M. Zanklan a tenu à rassurer : « L’extraction repose exclusivement sur un procédé mécanique par gravimétrie, sans aucun produit chimique. Je mets au défi quiconque de prouver le contraire. »
Concernant l’eau, ressource précieuse et souvent source de tensions, il a indiqué que la consommation annuelle de l’entreprise est estimée à neuf millions de mètres cubes, soit moins de 20 % du volume autorisé par la convention minière avec l’État. Ce résultat est obtenu grâce à un système interne de recyclage permettant de réutiliser l’eau tout au long du processus industriel.
Conformément au Code minier sénégalais de 2016, les entreprises extractives sont tenues de réhabiliter les sites exploités. Eramet affirme être à ce jour la seule société à appliquer rigoureusement cette obligation. À ce titre, 85 hectares de terres ont été entièrement réhabilités, avec une reconstitution progressive de la faune et de la flore, et plus de 1 000 hectares sont en cours de traitement avant restitution.
Cependant, cette politique soulève des crispations au niveau local. Les terres réhabilitées sont remises à l’État, comme prévu par la convention minière, et non directement aux populations déplacées, ce qui suscite incompréhensions et frustrations. « Nous comprenons les attentes des communautés, mais nous sommes liés par un cadre légal. Il revient à l’État de mettre en place un mécanisme de rétrocession », a plaidé le Directeur général.
La délégation s’est rendue au village de Fot, où plusieurs familles ont été réinstallées après avoir quitté leurs terres d’origine. Si certains efforts d’aménagement sont reconnus, notamment en matière d’infrastructures, les habitants pointent du doigt de nombreuses promesses non tenues. L’accès à l’eau potable, par exemple, reste insuffisant malgré la présence d’un forage, dont l’alimentation et la qualité sont jugées problématiques.
La question de la terre reste également centrale. « Avant, chaque chef de famille avait son propre champ. Aujourd’hui, c’est à peine un lopin de moins d’un hectare qu’on nous a donné pour toute une famille », a déploré Maël Ba, jeune habitant du village. Il poursuit : « On nous avait promis des emplois pour les jeunes. Pourtant, il n’y a pas plus de cinq jeunes du village de Fot qui travaillent à GCO aujourd’hui. Moi-même, j’ai cédé mes terres à mes frères et j’essaie de travailler comme journalier de temps en temps dans l’usine. »
Face à ces doléances, M. Zanklan a annoncé la construction, en partenariat avec l’État, d’une unité de traitement d’eau potable, et renouvelé l’engagement de GCO à renforcer le dialogue avec les communautés locales.
L’AJTREPE appelle à une inclusion plus forte
Pour Youssouf Bodian, Président de l’AJTREPE, cette visite est un moment-clé dans les relations entre les entreprises minières et les acteurs de la transparence. « Nous saluons l’esprit d’ouverture du Directeur général et de ses équipes, qui ont consacré toute une journée à nous faire visiter l’usine et à répondre de manière transparente à nos interpellations », a-t-il déclaré.
Tout en reconnaissant les efforts déjà entrepris, l’AJTREPE appelle à des ajustements concrets sur les enjeux d’accès aux terres, de participation des jeunes et d’équité dans les retombées économiques. « La préservation de l’environnement est un enjeu fondamental. Beaucoup de préoccupations ont trouvé des réponses, mais des efforts restent à faire notamment sur les questions liées à l’emploi des jeunes et à l’accès aux terres », a ajouté M. Bodian.
Il a également souligné que cette collaboration marque un tournant important pour le travail journalistique dans le secteur extractif : « Cette démarche ouvre la voie à des enquêtes approfondies. Eramet grande cote a exprimé sa disponibilité à accompagner ce travail, et cela est à saluer. »
À l’heure où le Sénégal ambitionne une gouvernance plus équitable et plus durable de ses ressources naturelles, l’exemple d’Eramet Grande Côte montre que le dialogue et la transparence sont des leviers essentiels, mais qu’ils doivent s’accompagner d’un engagement ferme en faveur de la justice sociale et environnementale.
Les attentes des communautés sont réelles et pressantes. Il revient désormais aux autorités publiques, aux entreprises et à la société civile de construire ensemble un modèle extractif plus inclusif, où les richesses du sous-sol deviennent une opportunité tangible pour les populations qui vivent en surface telle que stipulé par l’article 25 de la constitution.
Yanda Sow