Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, Saint-Louis du Sénégal est l’une des villes les plus vulnérables face aux effets du changement climatique. Déjà confrontée à l’avancée de la mer et à l’érosion côtière sur la Langue de Barbarie, elle doit aujourd’hui faire face à une autre menace silencieuse à savoir la disparition progressive de la mangrove qui borde le fleuve Sénégal. Ce rempart naturel, essentiel pour la régénération des poissons et la protection des berges, est de plus en plus détruit par les coupes abusives, l’urbanisation et la pression économique.
Dans le quartier de Pikine Bas Sénégal, des jeunes regroupés au sein d’un collectif des jeunes de pikine pour la préservation de la mangrove tirent la sonnette d’alarme. Leur président, Thierno Dicko, explique que la mangrove, autrefois synonyme de vie et d’abondance, disparaît à grande vitesse. Selon lui, « elle est coupée pour construire des maisons ou pour servir de bois de chauffe, et cette destruction a un impact direct sur les familles de pêcheurs qui voient leurs filets vides et leurs revenus s’effondrer ». Pour lui, la raréfaction des ressources pousse certains jeunes vers l’émigration clandestine, preuve que l’écosystème et la survie sociale sont intimement liés.
Selon le blogueur et activiste les autorités de les ville tricentenaire, sont les principales responsables de cette situation. « Ces personnes qui occupent illégalement ce domaine fluvial public que tous les citoyens partagent, ont des autorisations délivrées par ces autorités administratives ».
Baye Salla Mar, président de la commission environnement et développement durable de la commune de Saint-Louis rappelle que Saint-Louis est une ville amphibie, particulièrement sensible aux aléas climatiques. « L’érosion côtière et les inondations sont des menaces permanentes. Et si des lâchées d’eau interviennent au niveau des barrages en amont, nous risquons des débordements catastrophiques », avertit-il. Le responsable communal souligne aussi que « les dangers ne viennent pas seulement de la coupe de la mangrove mais également de pratiques humaines aggravantes, comme le déversement des eaux usées directement dans le fleuve par l’émissaire de l’ONAS ou encore le dépôt incontrôlé d’ordures sur ses rives ».
Pour les habitants de Pikine et des quartiers environnants, la mangrove n’est pas seulement une barrière écologique mais une source de vie indispensable. Elle protège les berges, sert de refuge aux poissons, crevettes et mollusques, et assure une sécurité alimentaire à des milliers de familles. Sa disparition progressive menace donc tout un mode de vie basé sur la pêche artisanale. Un vieux pêcheur rencontré dans le quartier confie que sans la mangrove, les eaux ne sont plus productives et
Les jeunes de Pikine estiment que la solution passe par une mobilisation collective. Ils réclament des programmes de reboisement massifs et participatifs, un encadrement strict des constructions dans les zones sensibles, un contrôle rigoureux de la pollution des eaux et surtout l’implication des communautés locales dans toutes les décisions liées à l’environnement. Pour eux, sauver la mangrove équivaut à sauver Saint-Louis et ses habitants.
Au-delà de la vieille ville, c’est l’ensemble du bassin du fleuve Sénégal qui est concerné. L’écosystème fluvial nourrit des millions de personnes entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Sa dégradation progressive inquiète les scientifiques, qui rappellent que la mangrove est l’un des remparts naturels les plus efficaces contre les effets du changement climatique. Baye Salla Mar conclut que « l’urgence est désormais à un changement de comportements » et que « l’avenir de Saint-Louis est indissociable de celui du fleuve Sénégal ».
Yanda Sow