À la suite de la publication du rapport de CIVICUS Monitor en mars 2024, classant le Sénégal parmi les pays « réprimés » en matière de libertés civiques, la société civile sénégalaise membre du Groupe Multipartite (GMP) de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a tenu à faire des clarifications importantes. Dans une note de position rendue publique, elle prend soin de distinguer sa situation spécifique de celle évoquée de manière plus globale dans le rapport de l’organisation internationale.
Le rapport de CIVICUS revient sur la période allant de 2023 à février 2024, dans un contexte politique marqué par le report de l’élection présidentielle, la répression de plusieurs manifestations populaires et un climat général de restrictions des libertés d’expression, de réunion et de la presse. CIVICUS a ainsi maintenu le Sénégal dans sa liste de surveillance et l’a classé comme un pays où l’espace civique est réprimé.
Face à cette évaluation préoccupante, la société civile active au sein du processus ITIE au Sénégal tient à préciser qu’elle n’a fait l’objet d’aucune arrestation, intimidation ou mesure restrictive dans le cadre de ses activités liées à la gouvernance des ressources naturelles. Aucun de ses membres n’a été directement visé par les violations documentées dans le rapport, et les actions conduites dans le cadre du GMP se sont poursuivies sans entraves institutionnelles ou sécuritaires.
Toutefois, elle reconnaît que le climat d’instabilité générale a eu des conséquences indirectes sur ses activités. Les tensions dans les grandes villes, les coupures d’internet et l’insécurité ambiante ont parfois empêché l’organisation normale de certaines rencontres ou ateliers, que ce soit en présentiel ou en ligne. Des membres ont pu s’impliquer à titre individuel dans des débats publics ou mobilisations citoyennes, mais ces engagements ne reflètent en aucun cas une prise de position collective ou institutionnelle dans le cadre du processus ITIE.
La société civile du GMP rappelle que son mandat est strictement sectoriel et centré sur la promotion de la transparence, la gestion équitable des revenus extractifs, l’accès à l’information, la participation des communautés affectées et le dialogue avec les parties prenantes. Si elle n’est pas concernée directement par les répressions évoquées par CIVICUS, elle reste pleinement consciente que toute restriction des libertés fondamentales — qu’il s’agisse de la liberté d’association, d’expression ou d’information — peut nuire à l’efficacité de son action et à la crédibilité du processus multipartite.
C’est dans ce sens qu’elle invite le CIVICUS Monitor à faire preuve de nuance dans ses prochaines publications. Il s’agit pour elle d’éviter les amalgames entre les dynamiques de l’espace civique général et les réalités propres aux cadres sectoriels comme l’ITIE. Elle appelle à un dialogue renforcé avec les organisations de la gouvernance des ressources naturelles afin de mieux articuler les spécificités de chaque sphère d’engagement.
À l’endroit du gouvernement sénégalais, elle exhorte au maintien d’un climat propice à toutes les formes d’engagement citoyen, y compris celles orientées vers la gouvernance économique et environnementale. Elle appelle à garantir les libertés fondamentales même en période de tension politique, et à éviter les coupures de communication qui freinent l’accès à l’information.
À l’échelle nationale, elle encourage la société civile à rester solidaire, vigilante et organisée, tout en rappelant l’importance de faire la distinction entre les engagements militants personnels et les mandats institutionnels portés dans des cadres multipartites. Cela permet de protéger l’intégrité et la stabilité des mécanismes de dialogue comme l’ITIE.
Enfin, elle invite le Secrétariat international de l’ITIE à reconnaître que le processus au Sénégal n’a pas subi d’obstruction directe, tout en restant attentif à l’évolution du contexte. Elle suggère que l’ITIE continue de promouvoir un environnement sûr et inclusif pour toutes les parties prenantes, sans confusion entre activisme politique et engagement sectoriel.
La société civile sénégalaise impliquée dans le processus ITIE réaffirme son attachement à l’État de droit, à la transparence, à la paix sociale et à une participation citoyenne effective. Tout en prenant acte des conclusions de CIVICUS, elle insiste sur la nécessité de contextualiser les analyses et de reconnaître les espaces de résilience où le travail se poursuit, malgré un environnement parfois fragile.
Yanda Sow