L’Assemblée nationale du Sénégal a accueilli un atelier de présentation des résultats du Rapport ITIE 2023 et des données du premier semestre 2024. Organisée par la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) en partenariat avec le Comité National ITIE (CN-ITIE) et le Programme d’Appui à la Société Civile (PASC), cette rencontre a réuni députés, acteurs de la société civile et experts du secteur extractif autour d’un objectif commun de faire de la transparence un levier effectif de justice sociale et de développement durable.
Dans son intervention d’ouverture, M. Thialy Faye, président du Comité National ITIE, a exprimé une préoccupation majeure : malgré les obligations réglementaires, aucune entreprise n’a versé à ce jour les fonds prévus pour la réhabilitation des sites miniers après exploitation ni pour l’appui au développement local, censés être déposés à la Caisse des Dépôts et Consignations. Il a ainsi lancé un appel clair aux parlementaires pour qu’ils s’assurent du respect strict de ces dispositions.
« Ces fonds ne sont pas des options, mais des obligations légales et morales. Il est impératif de garantir leur effectivité si nous voulons que les communautés affectées par l’exploitation minière bénéficient réellement de ces ressources. »
L’honorable Babacar Ndiaye, président de la Commission Énergie et Ressources Minérales de l’Assemblée nationale, a souligné l’importance de doter les députés des outils nécessaires pour mieux répondre aux attentes des citoyens.
« En tant que parlementaires, nous sommes régulièrement interpellés sur des sujets liés au secteur extractif. Il ne suffit pas de répondre, encore faut-il pouvoir apporter les bonnes réponses. Et cela passe par des initiatives de renforcement de capacités comme celle que nous offre aujourd’hui la coalition Publiez Ce Que Vous Payez, à travers cet atelier de partage d’informations. »
Le président de la Commission Énergie et Ressources Minérales de l’Assemblée nationale, a pour sa part insisté sur la nécessité d’une plus grande vigilance parlementaire dans le suivi du secteur extractif. Il a plaidé pour une intégration systématique des données issues des rapports ITIE dans les travaux de contrôle budgétaire et les débats de politique publique.
De son côté, M. Papa Fara Diallo, président de la coalition PCQVP Sénégal, a rappelé que la publication des rapports ITIE ne saurait suffire si elle n’est pas accompagnée d’une appropriation réelle par les représentants du peuple. Pour lui, la transparence doit se traduire en décisions politiques concrètes.
« Nous devons passer de la déclaration à l’action. La transparence doit déboucher sur des politiques qui profitent directement aux citoyens, en particulier dans les zones d’exploitation. »
L’atelier a ainsi permis de dégager plusieurs recommandations phares. Il a été souligné l’urgence de renforcer le rôle de contrôle du Parlement sur l’utilisation des revenus extractifs, notamment en assurant un meilleur suivi de la mise en œuvre des recommandations ITIE. Une volonté affirmée d’intégrer plus systématiquement ces données dans les documents budgétaires a également émergé, tout comme la nécessité d’exiger des entreprises une transparence accrue, notamment en matière de lutte contre la corruption et de respect des engagements sociaux et environnementaux.
La consolidation du dialogue entre société civile, autorités publiques et secteur privé a enfin été identifiée comme une condition essentielle pour améliorer la gouvernance globale du secteur.
Rapport ITIE 1er-semestre-2024
Le rapport ITIE du premier semestre 2024, présenté à cette occasion, met en lumière la contribution économique majeure du secteur extractif au Sénégal. Au total, 236,59 milliards FCFA ont été générés au cours des six premiers mois de l’année, dont 225,49 milliards FCFA affectés directement au budget de l’État. Si l’on prend en compte l’ensemble des flux ,y compris les paiements sociaux, environnementaux et contributions spécifiques, la contribution globale du secteur dépasse les 336 milliards FCFA.
Le secteur minier reste prépondérant avec près de 80 % des revenus, tandis que les hydrocarbures représentent environ 19 %. En matière de production, l’or demeure le minerai le plus rentable, générant une valeur estimée de plus de 154 milliards FCFA, suivi par le ciment et l’acide phosphorique. À l’export, l’acide phosphorique (30 % des exportations extractives) et l’or (29 %) dominent également, illustrant l’importance stratégique de ces deux ressources.
Le rapport révèle aussi une hausse significative des recettes issues des hydrocarbures, notamment grâce aux paiements exceptionnels effectués par Woodside Energy, et un effort de contribution des grandes entreprises minières telles que SGO, GCO, PMC et ICS, aussi bien à travers les impôts sur les sociétés que par les dividendes reversés à l’État.
En revanche, des lacunes persistent, notamment l’absence de versements au Fonds de Réhabilitation des Sites Miniers et au Fonds d’Appui au Développement Local, alors que ces dispositifs sont prévus par la réglementation pour garantir une compensation des impacts de l’exploitation.
Alors que le Sénégal s’apprête à passer sa troisième validation ITIE en juin 2025, cette rencontre aura permis de réaffirmer une volonté collective de faire de la gouvernance extractive un pilier de la transparence, de la justice économique et de la participation citoyenne.
Yanda Sow