Delta du Saloum- Sénégal : Les femmes de Marlodj luttent pour sauver leur écosystème menacé

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Au cœur des îles du Saloum, un archipel où la vie s’organise autour de la pêche et de l’agriculture, les femmes de Marlodj mènent un combat acharné pour sauver leur environnement. Je me trouve aujourd’hui au bord d’une mangrove fragilisée par des années d’exploitation et de changements environnementaux. Ndieme Ndong, animatrice au sein de l’Union Locale des Femmes de Marlodj, me guide à travers ces terres autrefois foisonnantes de biodiversité, aujourd’hui rongées par les eaux salines et l’érosion.

« Voyez-vous ces racines de mangrove ensablées ? Avant, elles accueillaient des centaines d’espèces de poissons et de coquillages, » me dit Ndieme, pointant du doigt les zones de terre stérile. Cette union de plus de 180 femmes s’est alliée au mouvement ‘’Khoyooh Nohol’’, composé d’une centaine de jeunes sensibilisés aux questions de propriété et de préservation de l’environnement. Ensemble, ils forment un front solide pour protéger leurs ressources naturelles contre une dégradation rapide qu’ils observent année après année.

Autrefois florissantes, les mangroves de Marlodj jouent un rôle crucial dans la vie de cette petite communauté. « Elles sont bien plus qu’un paysage, elles sont notre gagne-pain, » explique Mayé Diome, présidente de l’Union. Avec le drainage progressif du fleuve lié au projet pétrolier de Sangomar, les femmes de Marlodj observent une montée inquiétante des eaux marines, particulièrement durant les marées hautes. Les filets de pêche reviennent vides, contraignant ces femmes, autrefois autonomes, à acheter du poisson congelé pour leurs familles.

Je constate les effets dévastateurs de cette rareté sur le quotidien des habitants. La plateforme pétrolière de Sangomar, bien visible depuis l’île, s’érige dans une zone autrefois abondante en poissons. « Nos activités de transformation sont en péril. On n’a plus de poissons frais, alors on doit importer. C’est absurde pour une communauté comme la nôtre qui vit de la mer, » s’indigne Ndieme.

Des actions de reboisement pour une reprise en main de l’environnement

Face à ces défis, les femmes de Marlodj ne restent pas inactives. Depuis 2011, avec l’aide de partenaires tels que  »CAJUST » et  »LSD », elles entreprennent chaque année des campagnes de reboisement des mangroves. À mes côtés, elles montrent fièrement les zones où elles ont réussi à restaurer des dizaines d’hectares. « Nous savons que la mangrove protège nos terres et nourrit nos poissons. Si elle disparaît, nous disparaissons avec elle, » ajoute Ndieme en enfonçant ses pieds dans les sédiments, à la recherche d’un plant de mangrove qui prendra racine ici.

Ces efforts sont appuyés par des financements du Fonds pour l’Environnement Mondial, qui a permis la construction d’une digue anti-sel et de nouvelles campagnes de reboisement pour restaurer la forêt de Mayé Diome. « C’est un projet qui redonne espoir, » dit Mayé. Elle me montre la digue, qui s’étend fièrement le long du littoral, offrant une barrière contre les intrusions salines.

Une exigence de responsabilité face aux enjeux de l’exploitation pétrolière

Alors que l’extraction de pétrole de Sangomar se poursuit, les habitantes de Marlodj lancent un appel aux autorités et aux industries pétrolières pour une exploitation responsable. « Nous ne pouvons pas arrêter cette exploitation, mais nous exigeons qu’elle soit durable et respectueuse de notre environnement, » déclare Mayé, avec une détermination sans faille.

En parcourant Marlodj, j’observe ces femmes, pilier de leur communauté, déterminées à préserver ce qu’elles peuvent de leur mode de vie et de leur environnement. Leurs efforts sont un modèle de résilience et de résistance, montrant que même face aux impacts du développement, des actions locales, portées par une volonté inébranlable, peuvent avoir un impact significatif.

En quittant l’île, je réalise que le combat des femmes de Marlodj n’est pas seulement écologique, mais aussi existentiel. C’est une lutte pour préserver un mode de vie, une culture, et surtout, une ressource qui définit leur identité.

Yanda Sow, Envoyé spécial d’AfricaPetromine au Delta du Saloum

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