Mukhtar Babayev, ancien employé de la compagnie pétrolière d’Azerbaïdjan va présider la COP29. Les spécialistes du climat ont des avis divergents sur le choix porté sur l’actuel ministre de l’Écologie. Youssouph Bodian, Vice-président de l’Association des Journalistes pour la Transparence dans les Ressources Extractives et la Préservation de l’Environnement (AJTREPE), parle d’un paradoxe. Il évoque tout de même des pistes qui pourraient donner des idées aux septiques.
APM : Comment analysez-vous le choix porté sur Mukhtar Babayev pour présider la COP29 ?
Y.B : C’est assez paradoxale au vue de l’objectif principal de la Conférence des parties sur le climat, qui est de réduire le réchauffement de la planète. Et aujourd’hui, les scientifiques ont prouvé que les énergies fossiles contribuent plus dans les émissions de gaz à effet de serre. Qu’un homme issu de ce secteur préside la prochaine COP peut suciter plusieurs interrogations.
Mais ça peut aussi être interprété comme une volonté de l’Azerbaïdjan de rester sur la logique des Émirats Arabes Unis qui a pu inscrire la question des énergies fossiles dans l’agenda des négociations lors de la COP28. Ce qui a d’ailleurs permis d’avoir un accord sur une « transition hors des énergies fossiles ». Ce qui a mon sens est une grande avancée puisque dans les précédentes COP le sujet est très souvent élucidé à cause des grands lobbies pétroliers qui déploient plusieurs représentants à la table des négociations.
APM : Un autre pétrolier à la tête de la COP, après le Sultan Al-Jaber. Y’a t-il un problème d’engagement de la part des pays pétroliers ?
Y.B : Je pense que les grands pays pétroliers, notamment du golf ont peur de l’idée d’abandonner les énergies fossiles sur lesquelles reposent leurs économies. C’est pourquoi ils essaient, à tout prix, de ralentir la transition tant souhaitée vers les énergies renouvelables. Mais les décisions prises à la COP28 de Doha, sous l’impulsion du Sultan Al-Jaber, ont pu changer l’opinion des observateurs qui étaient sceptiques au départ. La société civile avait émis beaucoup de réserves après la désignation de ce mania du pétrole pour présider la COP28. Mais, il faut reconnaître qu’il a pu rendre opérationnel le fonds pour les pertes et dommages qui avait été mis en place lors de la COP27 en Egypte. Et les Émirats Arabes Unis ont été les premiers à contribuer à hauteur de 100 millions de Dollars. Même si c’est loin d’être suffisant pour combler les besoins de continents comme l’Afrique, qui est la plus impactée par les effets des changements climatiques. Il y a un début de changement dans la démarche des pays pétroliers, mais la bataille est très loin d’être gagnée.
APM : Quelle doit être la posture des organisations pro climat ?
Y.B : La société civile qui se bat pour la préservation du climat doit continuer à mettre la pression sur les pays pétroliers et développés qui sont responsables de la situation que vit la planète. Le plaidoyer doit se poursuire avec un niveau d’exigence encore plus élevé. Au delà de baisser le niveau de réchauffement, les pays responsables doivent réparer les dommages engendrés dans les pays pauvres qui n’ont pas les moyens de s’adapter.
L’enjeu principal des pays comme les nôtres, c’est de veiller à ce que les différents fonds, mis en place, soient alimentés de manière contraignante. Mais aussi qu’on allège les modalités d’accès à ces fonds, qui sont très complexes. Le processus est irréversible et nos populations en souffrent. L’érosion côtière, les inondations, la sécheresse sont, entre autres, des phénomènes que nous subissons sans avoir les moyens de faire face.
Réalisé par Abdou Diouf Junior