L’étude réalisée par l’ITIE Internationale au Burkina Faso estime à 4,93 milliards de dollars(2774,59 milliards de francs CFA) les Flux Financiers Illicites (FFI) liés à cinq minerais clés dont l’or, entre 2012 et 2021. Ce phénomène maintient le pays dans une situation économique difficile et entretient (probablement) le conflit armé avec les organisations terroristes.
Mais tout d’abord, il faut comprendre que les FFI ne sont pas des pertes directes mais des pertes indirectes. Par exemple, pour voir les pertes réelles sur les FFI estimés à 4,93 milliards il faudra appliquer la TVA ou le taux de redevances sur les valeurs sous-estimées etc.
Au Burkina Faso, l’étude réalisée par l’ITIE Internationale et dirigée par l’ingénieur géologue sénégalais, Alioune Badara Paye, expert minier et pétrolier, révèle que l’or représente, à lui seul 61 % des 4,93 milliards de dollars de Flux Financiers Illicites chaque année.
Cela correspondait à la somme de 147 millions de dollars en 2016 pour atteindre 620 millions de dollars en 2017.
L’étude du représentant de l’ITIE en Afrique francophone a utilisé une analyse de la sous-facturation des échanges commerciaux, en comparant les données nationales sur les exportations avec les données d’importation de la base de données Comtrade des Nations Unies provenant des partenaires commerciaux.
« Elle a révélé des écarts/divergences systématiques, en particulier dans le commerce de l’or et du zinc, indiquant une sous-déclaration des valeurs à l’exportation, ainsi que la contrebande et la fixation de prix sous-évalués », a écrit M. Paye, ancien Secrétaire permanent adjoint de l’ITIE Sénégal sur le site de l’EITI.
Dans le cadre de sa méthodologie, l’étude a inclus une mission d’enquête aux Émirats arabes unis (EAU) afin de valider les conclusions et de combler les lacunes en matière de données. « La mission a confirmé que les EAU sont une destination clé pour l’or d’origine frauduleuse, soulignant la dimension transnationale de ces flux », peut-on lire sur le site de l’organisation.
Principales conclusions
L’Or et le zinc ont été les plus touchés. Le métal précieux a représenté 3,01 milliards de dollars de flux financiers internationaux (61 % du total) au cours de la période considérée, tandis que le montant cumulé des exportations de zinc a été estimé à environ 1,57 milliard de dollars (32 %).
L’argent, le manganèse et la dolomite ont également fait l’objet d’importants flux non déclarés, bien que moins élevés en valeur absolue.
« Ces écarts/divergences témoignent d’une évasion fiscale importante et d’une surveillance insuffisante », remarque notre compatriote.
L’artisanat minier et exploitation minière industrielle brillent dans l’illégalité.
La production artisanale d’or, qui échappe en grande partie aux cadres réglementaires officiels, est apparue comme un facteur important des FFI. L’exploitation minière industrielle a également été mise en cause, notamment par le biais de fausses déclarations et du recours à des structures de propriété complexes et opaques visant à échapper à l’impôt.
Une mine de pratiques illicites
Les pratiques illicites comprenaient les exportations non déclarées, la facturation frauduleuse, le recours à des comptoirs clandestins d’or et l’implication d’entreprises fictives ou d’acteurs non identifiés dans le commerce.
Zones de vulnérabilité identifiées par l’étude
Parmi les principaux manquements qui facilitent les FFI, il y a l’opacité de la chaîne d’approvisionnement en minéraux, la faible traçabilité de la production, les lacunes dans les contrôles douaniers et la coordination limitée entre les autorités compétentes.
Cette manne financière qui file entre les mains des autorités aurait pu servir à améliorer les conditions de vie des citoyens. La valeur estimée des flux financiers illicites sur la décennie, soit 4,93 milliards de dollars, aurait pu financer la construction d’environ 15 867 centres de santé ou 88 589 écoles à travers le Burkina Faso. « Couper le robinet » aurait assoiffé les groupes armés, les affaiblir et peut-être même, les neutraliser pour un retour définitif de la paix au pays des hommes intègres.
Le secteur minier du Burkina Faso joue un rôle central dans l’économie du pays. En 2023, il représentait 14,8 % du PIB, plus de 75 % des exportations et plus de 20 % des recettes publiques.
L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) reste largement informelle. Cette informalité rend le secteur particulièrement vulnérable aux flux financiers illicites (FFI), en particulier dans les régions touchées par l’insécurité et la présence de groupes armés.
Comment le Sénégal peut-il anticiper ces opérations illégales
Au Burkina Faso les préoccupations concernant le rôle des revenus miniers dans le financement des réseaux criminels et de l’extrémisme violent se sont accrues ces dernières années. Le Gouvernement a identifié le secteur extractif comme une source potentielle de financement du terrorisme et a inscrit la lutte contre les FFI parmi les priorités de l’agenda national.
Au Sénégal, on en est à une étape de soupçons et de craintes de voir le phénomène s’installer. Même si des études font état de 4 à 5 tonnes d’or qui échappent au contrôle des autorités chaque année, il reste à identifier les recéleurs, à déterminer la destination exacte de cet or – même si les Émirats Arabes Unis apparaissent encore une fois à l’écran – et à neutraliser le circuit.
Cette étude réalisée au Burkina est un bon moyen pour anticiper sur les éventuels phénomènes tels que le terrorisme transfrontalier. Le Sénégal devrait commanditer une étude similaire pour évaluer avec exactitude le manque à gagner et identifier les différents acteurs de cette criminalité internationale.
La visite du Premier Ministre aux EAU devrait permettre d’aborder ces questions afin de trouver avec les autorités émiraties, des solutions durables.
Cette étude, comme expliqué par l’expert, a fini de révéler les principales faiblesses qui facilitent les FFI dont, entre autres, l’opacité de la chaîne d’approvisionnement en minéraux, la faible traçabilité de la production, les lacunes dans les contrôles douaniers et la coordination limitée entre les autorités compétentes. Cette conclusion peut-être valable pour plusieurs pays de la sous-région y compris le Sénégal.
De ce fait, la formalisation de l’orpaillage traditionnel, la digitalisation des procédures d’octroi de titres miniers, le partage de l’information entre structures compétentes, notamment dans le renforcement du dispositif de contrôle, le suivi des recommandations de l’ITIE, peuvent être utiles dans la lutte contre les Flux Financiers Illicites (FFI), à l’origine du financement d’activités illégales et dangereuses.