Sénégal-Audit : Plus de 60 ans d’opacités   dans l’octroi des titres miniers

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Révélés lors d’un atelier à Somone par le Mininistre de l’Energie, du Petrole et des Mines(MEPM) M Birame Souleye Diop, les résultats d’un audit couvrant plus de soixante ans mettent en lumière les dérives profondes dans la gestion des permis miniers. Le gouvernement promet une réforme radicale du secteur.

Le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Souleye Diop, a levé le voile sur une situation alarmante dans le secteur minier sénégalais. Devant les journalistes l’AJTREPE, il a présenté les premiers résultats d’un vaste audit sur la délivrance des titres miniers de 1959 à nos jours, expose les premiers résultats d’un audit inédit portant sur la délivrance des titres miniers au Sénégal, de 1959 à nos jours.

Le constat est sans détour, le secteur est gangrené par des pratiques clientélistes, des irrégularités administratives et un système de contrôle quasi inexistant. « Nous avons trouvé une situation marquée par l’anarchie », déclare Birame Diop. « Comment comprendre qu’une même personne puisse détenir plus de dix permis, ou qu’un titre soit délivré le jour même de la demande ? »

Depuis sa prise de fonction, le ministre dit avoir refusé de délivrer de nouveaux titres. Il a préféré attendre les conclusions de l’audit pour établir un état des lieux précis. L’examen a mis au jour de nombreux cas de doublons, de non-respect des procédures légales et de délivrances de permis sur des périmètres déjà attribués.

Un secteur sous pression

Selon le ministre, ces dysfonctionnements ont été favorisés par une administration perméable aux influences extérieures et peu soucieuse des règles en vigueur. Jusqu’à récemment, un seul agent pouvait instruire un dossier. Désormais, ils sont vingt-deux à le faire, de manière collégiale. « Je n’interviendrai plus jamais dans une instruction de dossier », insiste-t-il.

Dans un contexte où le secteur minier est vu comme un levier potentiel de croissance pour le Sénégal, le gouvernement entend remettre de l’ordre. Une période de régularisation de trois mois a été ouverte. Durant cette phase, les activités minières ne seront pas suspendues, mais les dossiers non conformes seront définitivement rejetés. Des journées portes ouvertes sont également prévues pour expliquer au public les règles encadrant le secteur.

Un audit accablant

Le directeur général des Mines et de la Géologie, Ibrahima Gassama, a complété les propos du ministre. Sur les 513 titres examinés, près de 94 % (481) seraient irréguliers s’ils étaient évalués à l’aune des trois codes miniers successifs notamment ceux de 1988, 2003 et 2016. Certains titres, plus étonnamment encore, ne figurent dans aucun registre officiel.

Un audit physique du terrain est désormais en cours. Il doit permettre de confronter les données administratives à la réalité. Pour cela, une équipe composée de géologues, d’environnementalistes, de topographes et de juristes sillonne les régions concernées, notamment Thiès, Kédougou, Tambacounda, la Casamance, et bientôt le nord du pays.

Les premiers constats sont édifiants : exploitation illégale, non-respect des périmètres autorisés, sous-déclarations douanières, spéculation sur les titres. À Thiès, certaines entreprises disposant d’un seul permis exploitent jusqu’à six sites, sans les déclarer, puis revendent les matériaux à l’État pour des projets publics. Une fraude à grande échelle, qui échappe depuis longtemps au contrôle de l’administration.

Un tournant pour la gouvernance minière

Autre fait troublant : plusieurs autorisations de petites mines ont été délivrées quelques jours seulement après l’élection présidentielle de 2024. Or, selon la loi, une mine non opérationnelle six mois après l’attribution du titre perd automatiquement son autorisation. Beaucoup de ces projets sont restés lettre morte, révélant des stratégies purement spéculatives, parfois destinées à lever des fonds sur la base de titres sans activité réelle.

Le gouvernement entend désormais s’appuyer sur une base de données actualisée des titres miniers, associée à une cartographie précise des sites d’exploitation. Cette refonte vise à garantir une meilleure maîtrise du secteur et à optimiser les recettes issues des ressources naturelles. « Si ce secteur est bien encadré, il peut générer des revenus considérables pour l’État », affirme le ministre.

Ce tournant dans la gouvernance minière sénégalaise intervient alors que les pressions se multiplient, tant de la part des communautés affectées par les activités extractives que des organisations internationales de transparence.

Yanda Sow

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